31 March 2008
As Soon As #15
Lucius #2
#14 - #13 - #12 - #11 - #10 - #9 - #8 - #7 - #6 - #5 - #4 - #3 - #2 - #1
Un son strident, à la limite du larsen. Un couloir sombre dans lequel la caméra file en subjective. Un corbeau à l'œil blanc sur une branche convulsée. Le larsen tourne en son industriel. Rythmes de machines. Percussions et saturations. Flashs / Rouge / Blanc / Rouge / Blanc. Un engrenage enclenche une cascade de billes chromées. Le couloir sombre en marche arrière. Une porte se referme. Rire. Flashs / Rouge / Blanc / Rouge / Blanc. Le corbeau qui s'envole. Croassements grinçants. Des pavés mal dégrossis. Une voix entonne une mélopée. Des bougies aux flammes dansantes. Des rideaux de dentelle. Une fille à l'air triste, au visage blafard, aux paupières noires. Les billes glissent dans des conduits, activant des interrupteurs rouillés. Un bâtonnet d'encens. La fille sourit et tend une main boursouflée de cicatrices. L'œuvre sur un socle, des femmes nues qui l'entourent. Des rideaux de dentelle. Les rythmes métalliques redoublent d'intensité. Effet stroboscopique. Un sein éclairé par la lumière émanant de l'œuvre / Noir / Une main gantée remonte lentement sur le ventre / Noir / Des lèvres au maquillage qui a coulé / Noir / la main se saisit du sein / Noir / Les lèvres soupirent / Noir. Les billes atterrissent dans une vieille boîte en fer cabossée. Des rideaux de dentelle / Noir / Blanc / Noir / Blanc / Noir / Noir.
Le chapeau du mec en blanc est impeccablement incliné. Gros plan sur l'arme. Lewitt semble pétrifié. Seul un tic nerveux secoue le coin de la bouche. Dusk a mis la main devant l'œuvre. Il a la gorge nouée. Nudge reste impassible. Les mains bien en évidence, il la joue confiance. Un soupir, fais-moi confiance. Je t'emmène vers toi-même. Toujours lové contre Yoon, l'Albinos esquisse un mouvement. Ils quittent la cuisine. Les pupilles rouges de Yoon perçoivent l'inconnu. La cohérence de la création. Les nuances, les détails. Une voix la guide dans cet ailleurs.
La caméra enroule le mec en blanc dans un mouvement ascendant. Il fait un pas en avant. Dusk tourne la tête. Un parfum de sérénité, le temps se dilate. Deux silhouettes entrent dans le living. L'Albinos irradie Yoon de volutes semblables à celles qui se dégagent d'un feu, donnant l'impression que l'air vacille. Les remous se confondent avec les mouvements du drap déchiré qui ne couvre qu'à peine sa poitrine. Yoon tourne la tête. Les regards se croisent.
L'instant.
Les protagonistes sont immobiles, figés dans une pause que la caméra parcourt. On passe en noir&blanc. Seules touches de couleur : le rouge des pupilles de Yoon et des yeux de l’Albinos. Chaque acteur à sa place, chaque destin en marche. Puis tout s’accélère. D’un geste ultrarapide, Nudge fait surgir un shuriken de tungstène entre deux doigts. L’arme du mec en blanc le cible instantanément. Dusk fixe Yoon, l’œuvre resurgit en lui, le monde se redéploie au sein même de son ADN. Lewitt est prit de tremblements, perle de sueur sur le front. Des spirales d’énergie se dégagent du corps de Dusk. Une onde de lumière bleue survole l’espace qui le sépare de Yoon. Le rouge de ses pupilles se dissous. Yoon donne un violent coup de coude dans l’estomac de l’Albinos. Courbe aiguisée du shuriken en pleine vitesse, le mec en blanc esquive d’un léger mouvement, son doigt presse la gâchette.
Le plafond explose / projection de gravats / nuage de plâtre. Une ombre féline atterrit sur une table en bois épais. Nudge est projeté en arrière, le front percé d’un trou fumant. L’Albinos suffoque plié en deux. Il relève la tête. Un treillis trop large à la ceinture bardée de gadgets, une brassière kaki en tissu léger. Coup de feu !
Dusk bondit sur l’œuvre, esquivant un faisceau de lumière rouge. L’homme en blanc s’écroule de manière spectaculaire, le ventre ouvert noyant son costume de sang. Des rangers aux lacets arc-en-ciel, un œil tatoué sur le bras. Le rayon termine sa course sur le visage de Lewitt laissant un sillon fumant. Peau caramel aux reflets dorés, une cicatrice en travers de l’avant-bras. Lewitt s’abat au ralenti et s’encastre contre la table basse.
La lumière noire devient épileptique, laissant d’étranges sensations sur le nerf optique. En gros plan, recadrages successifs / canon d’une arme automatique / lacet de cuir enroulé autour du poignet / grands yeux expressifs soulignés de khôl / treillis bas sur les hanches / anneau pierçant le nombril / couteau noué contre la cuisse et pierre de soleil autour du cou.
Deux points rouges se fixent sur l’arme de la fille qui vient d’entrer en scène. Elle lâche le flingue en poussant un cri. Le gun atterrit sur le sol, chauffé au rouge. L’Albinos donne un violent coup de pied dans le dos de Yoon. Elle semble planer un instant, l’air s’engouffrant dans la toge qui glisse sur la peau. Dusk est visiblement sur le point de s’évanouir, front plissé et respiration haletante. La fille sur la table braque son regard félin sur l’Albinos avec une totale détermination : ya’re gonna die. Des vortex de lumières hypnotiques irradient depuis le costume blanc. Claquement d’un cran d’arrêt qui s’ouvre. Yoon percute violemment le parquet, son dérangeant, la tête se fige dans une position anatomiquement impossible. La lame est projetée d’un coup de poignet. L’Albinos bondit en arrière avec une telle rapidité que seul une ombre semble s’être déplacée. Le couteau se fiche dans le mur, sur la lame, deux traits de lumière rouge se reflètent un instant.
Dusk ouvre enfin les yeux. En contre-plongée, le visage d’une fille à la chevelure noire nouée dans un bandana. Problème de focus, l’image se dédouble un instant. La poussière de plâtre se dépose avec lenteur, noyant la scène de brume. All dead. Dusk la regarde sans comprendre. All dead mate, capice ? Il se relève, déclenchant un vertige. Des corps ensanglantés, une odeur de brûler, et cette fille magnifique, le cou brisé. Let’s go, take this. Elle pointe l’œuvre du doigt et jette un sac informe dans les mains de Dusk. Il obéit comme en pilote automatique, le regard fixé sur son visage plutôt que de voir à nouveau la boucherie qui l’entoure.
Elle se rend en deux bonds près de la porte d’entrée. Elle jette un œil et fait un geste pressé. Come, come. Dusk la rejoint, le sac sur l’épaule, le visage défait, il a un hoquet. Les voilà dans le couloir, c’est une galerie d’art étonnante. Elle se retourne. And da name’s Jezz. Habile mouvement de tête et pointe de lumière dans les yeux. What’s yours ? Son pouce écrase le bouton d’appel de l’ascenseur.
Sous-sol, parking. Deux silhouettes pliées en deux se faufilent entre les véhicules. Éclairage cru, béton. Jezz s’accroupit, d’un geste sec, elle indique à Dusk de faire pareil. Immobile, en attente, les yeux fermés, Jezz goûte l’air ambiant. Dusk a la nausée, il se cramponne au sac, s’attarde sur le string noir émergeant du treillis. Jezz se passe la main sur la nuque. Now ! Elle saisit la main de Dusk et s’élance vers une moto aux courbes organiques, habillage vert kaki.
Une berline blanche aux formes snob, à la carrosserie lustrée. Les phares s’allument, la voiture se met en marche, silencieuse. Les cadrans s’illuminent, main sur la poignée d’accélération, ronflement du moteur. D’un signe de tête, Jezz invite Dusk à grimper derrière elle. Démarrage en trombe, Dusk s’agrippe à la taille de Jezz, notant la douceur de sa peau.
Les phares de la berline projettent l’ombre allongée de la moto sur le béton. Jezz se ramasse sur elle-même, Dusk resserre sa prise, se colle contre son dos. Vitre s’enfonçant dans la portière, deux éclairs rouges jaillissent. Violent coup de guidon, la moto se penche presque au-delà du point de non retour, tressaute et se rétablit. Jezz hurle fuck, Dusk a les yeux fermés. Jezz arrache une capsule de sa ceinture, se cambre, la roue avant quitte le sol. Ralenti sur le bras en rotation, elle lance son gadget.
La berline dérape mais la capsule entre tout de même, in extremis. Un nuage de fumée irritante emplie l’habitacle. Gros plan sur la roue arrière, brûlure de pneu sur le bitume, la moto prend encore de la vitesse. Jezz appuie sur un bouton. La berline, hors de contrôle glisse droit vers la moto. Une flamme jaillit de chaque côté de la roue arrière, la moto bondie comme une panthère. Dusk hurle, le visage dans le cou de Jezz. Un œuf de lumière bleue entoure la moto. La roue arrière percute le capot, métal chauffé au rouge. Elle semble planer un instant puis atterrit brutalement juste derrière la berline qui fait hurler ses pneus et s’encastre contre un pilier inébranlable.
Fondu au noir.
30 March 2008
As Soon As copyright

This work is licensed under a Creative Commons Attribution-Noncommercial-No Derivative Works 2.0 France License.
28 March 2008
MirrorWorld Studio
21 March 2008
As Soon As #14
Lucius #1
#13 - #12 - #11 - #10 - #9 - #8 - #7 - #6 - #5 - #4 - #3 - #2 - #1
La voiture, longue comme un cigare s'arrête à la hauteur de Dusk. L'habitacle ne contient que deux places et Lewitt tapote nerveusement sur le volant. Dusk se coule dans la voiture tandis que son blouson accroche un instant le rouge de la carrosserie. Tout autour pulsent les lumières colorées d'un shopping mall en plein air. Magasins high-tech proposant du design obsolète. C'est une putain d'œuvre d'art lâche Lewitt. Dusk le regarde un instant, envoyant d'une pichenette son mégot par la fenêtre. Une putain d'œuvre d'art, y'a qu'toi pour la copier. Je ne donne plus dans la copie, maintenant je développe mon style. La voiture s'engage sur un rond-point qui n'est autre qu'un cratère. Des fillettes se poursuivent en riant. Sandale soulevant de la poussière, mouvement de tête et cheveux dansants.
Les cheveux se lissent sous les dents du peigne. Le plat d'une main nettoie la condensation, un visage encadré de longs cheveux d'un bleu profond contemple sa beauté. Un nez discret et délicat, des lèvres fuselées, des yeux en amandes pailletés d'or. Les sourcils ne sont qu'un trait et les cils sont longs et recourbés. L'ensemble du même bleu que les cheveux. Le grain de beauté au coin de l'œil gauche est le seul signe d'asymétrie d'un visage à la longueur accentuée par les cheveux encadrant chaque côté. Yoon, soupire-t-elle déposant une tâche ronde de vapeur épousant le reflet de ses lèvres. Une main saisit un tube profilé à la teinte vermillon. Yoon se peint les lèvres, les rendant encore plus belles. D'un geste sec, elle dénoue la serviette qui lui ceint les hanches, masque le trait de toison bleu d'un string rouge au tissu brillant, gaine ses jambes de bas soyeux. Elle se tient alors un instant, les mains posées sur les seins, se cambre et lève lentement les bras en ondulant. Ses petits tétons bleus pointent malicieusement. Elle est vraiment aussi belle qu'on pourrait le rêver. Elle attrape un corsage et l'enfile d'un geste gracieux. Lorsqu'elle a fini le laçage, on s'aperçoit que ses seins sont remontés offrant un joli décolleté. Pour finir, elle noue une jupe blanche à la longueur inégale, laissant ça et là deviner la marque de ses bas puis chausse de longues bottes blanches aux lacets croisés. Elle prend une pose, jette un dernier regard dans le miroir et quitte la salle de bain.
Dusk capte le regard de Lewitt dans le rétro. Ses yeux sont injectés de sang comme s'il était stone. Tu vois, c'est que j'ai piqué un Lucius. Il est dans la mallette, là en dessous. Dusk fait un geste. Non n'y touche pas, on attend d'être arrivé. Un instant de silence, courbe gracieuse de la voiture. Devant, dans un coupé sport, un playboy blond ricane pour une belle aux tresses vertes. Carl s'est fait buter. Une larme cascade sur la joue de Lewitt. Nudge avait pas dit que ça s'rait si bien gardé. T'es pas en train de me foutre dans les emmerdes ? Je m'démarre une tranquille petite carrière sur Symetric Avenue. Tu veux pas voir la merveille des merveilles ? L'œuvre ? Toi, l'artiste qui n'a su que pomper les créations des autres. Dusk se la joue profil bas. Ce Lucius, personne ne l'a vu. Il l'a fini juste avant de disparaître. Ça peut te rendre riche, mec. Lewitt est fiévreux, choqué, sa langue passe sur ses lèvres sèches. Carl.
Une langue ronde au coin des lèvres, Yoon s'escrime contre la porte cochère qui décidément refuse de se fermer. Depuis la salle de bain, elle a ajouté à sa tenue un pardessus coupe garçonne au tissu plastique s'irisant au gré des néons comme une bulle de savon. La porte se ferme enfin. Yoon s'engage sur le trottoir d'un pas résolu. La foule glisse autour d'elle, gros plan sur une boucle d'oreille. Une musique tripante sort de nul part, Yoon semble se mouvoir en cadence. Une main aux ongles longs froisse l'étoffe d'un complet veston. Yoon s'arrête le temps de s'offrir un cornet d'amour à la myrtille. Sur les lèvres, un instant, une trace de fruit. Au coin de la rue, des jongleurs virevoltent. Dents blanches croquant la gaufrette. Une esquive, parabole de la balle qui tournoie de manière déconcertante et Yoon qui sourit. Enjoliveurs chromés aux reflets de chevilles et de nu-pieds. Yoon traverse le boulevard. Au loin la silhouette immense de la Lone Tower sur contre-jour de soleil couchant. Énorme croissant extrudé jusqu'au firmament. Chaque pointe pulse son laser aux teintes changeantes. Tour fluctuante. Yoon se sent bien, elle respire, son corps dégage une pâle iridescence. De délicates fumerolles de lumières prolongent chacun de ses mouvements. L'instant est sacré. Comme une connivence.
On s'envole en tournoyant. Les passants deviennent des fourmis. On découvre les artères de Villumière. Parfois rectilignes, parfois sinueuses. Arbres touffus / émeraude / pourpre / indigo. Des pluies de pétales volettent dans la brise accrochant sur leurs paillettes les lumières multicolores des bâtiments. Formes fantasmagoriques, mélanges de styles surprenants. Palais à l'ossature de fer industriel surmonté d'une coupole moghole. Pagode de verre et dentelle de pierre. Sur les replis irréguliers des parois du cratère, chaos de toits pointus. La Vieille Ville déploie ses ombres. Arbres noueux / tronc convulsé / racines entremêlées / feuillage éparse. Des âmes en peine déambulent en vêtements sombres et peau blafarde. Façades décalées comme sur le point de s'écrouler. Courbes brisées, asymétrie et toiles d'araignées. Les méandres des venelles rappellent ceux de la psyché.
On effectue une courbe, on se détourne le temps de jeter un œil aux reliefs tourmentés du château, pour s'approcher de trois collines boisées. Des hôtels particuliers s'entre aperçoivent au gré des feuillages.
Colonnades torsadées, pierre lisse et noire. Fenêtres hautes, étroites et gothiques. Ou petites, rondes comme un œil. Atlantes peinant sous l'effort. Bas-reliefs, corps enlacés. Sexe et violence / poumon traversé d'une dague / amants en train de s'aimer. Double porte de métal noir aux décorations baroques et dorées. Salle blanche, rideaux de dentelle. Un homme, complet anthracite, coupe incroyablement sobre, se tient dignement dans un fauteuil Louis XX. Visage émacié aux traits de prédateur, noblesse du port et catogan. Les mains glissées dans des gants de cuir fin sont jointes sur le pommeau d'une canne. Des miroirs en vis-à-vis se renvoient le reflet du Comte à l'infini. Il toise deux hommes se tenant debout devant lui. Costume blanc, guêtres, chapeau de gangster. L'un d'eux est albinos. Ses prunelles de feu semblent percevoir l'invisible. Kill them. Take it back. Leurs visages restent impassibles.
Le visage impassible du majordome acquiesce discrètement à la question de Lewitt. D'un geste lent, gant blanc, il indique le canapé rouge aux formes pleines comme des lèvres. Sur une table basse au verre dépoli sont déposés des rafraîchissements. Teintes étranges sous la lumière noire. Les pouces de Lewitt appuient simultanément sur les mécanismes de la mallette. Clac. Les doigts de Yoon craquent tandis qu'elle s'étire langoureusement. Bras tendus, drapé autour des reins. Nudge lui pose un baiser au creux du cou et se lève. Il s'habille en quelques gestes précis et efficaces tandis que Yoon soupire. Repose-toi, j'ai un rendez-vous mais je reviens t'asticoter, OK ? Elle répond cool d'une voix un peu lointaine.
Après quelques secondes, le regard de Dusk devient lointain tandis qu'il se perd dans la sphère transparente. Il plonge en elle et plus il s'approche, plus elle se déploie. Des vallées naissent depuis ses interstices, des lacs, des océans. Nuées d'oiseaux, troupeaux au galop. Un monde, un monde entier dans ses moindres détails. Des chaînes de molécules aux chaînes de montagnes. Il baigne dans cet univers, y plonge encore plus... Fusion ! Dusk fait corps avec l'ensemble de la création. Extase. Dans le canapé, le verre au creux des doigts, Lewitt observe Dusk. Il sait ce qu'il ressent, se doute qu'il perçoit plus, tellement plus que lui. Nudge entre dans le champ, il salut Dusk d'un signe de tête. Lewitt le fixe, hagard. Dusk revient parmi eux, il pleure. Une création dans la création. Ce monde existe, ce n'est pas une vue de l'esprit. Silence désolé. Je fais que du creux.
Yoon a un petit creux. Elle saute du lit, cheveux ébouriffés et se glisse dans son string. Un drap blanc en guise de toge, Yoon sort de la chambre. Les couloirs larges, moquette fleurie, vasques arrondies, sont ponctués d'œuvres d'art / peintures / hologrammes / sculptures. Variations de thèmes, sans cohérence apparente. Nus masculins, paysages cosmiques. Yoon s'attarde sur un papillon aux ailes d'argent. Elle esquisse un sourire. Nudge montre une esquisse. Un plan griffonné, difficile à comprendre. C'est comme ça que ça a commencé. Je suis tombé dessus et je l'ai voulu. Lewitt lui jette un sale regard, on peut le comprendre. Je possède trois Lucius de la dernière période. Ils sont fantastiques. Dusk se gratte le menton, il n'est pas là. Puis, Lucius a disparu. Hop ! Sans l'ombre d'une trace et c'est le Comte qui l'a eu. Des croquis, des équations, le papier est un peu chiffonné.
Le papier d'emballage soigneusement scellé ne résiste pas aux ongles de Yoon. La main plonge dans le paquet, elle ressort armée d'un amuse-gueule. Yoon dodeline de la tête, sur un rythme intérieur. On s'attarde sur la grande baie vitrée en verre bombé donnant sur une mer de toits et de lumières. Le ciel sombre est barré d'une nébuleuse aux teintes amoureuses. Un véhicule aérodynamique s'élève verticalement. La partie arrière pivote, lui donnant l'aspect d'une guêpe puis il disparaît vers l'horizon. Des œufs s'entrechoquent dans un tube empli d'eau bouillante. Couteaux soigneusement alignés. Yoon ouvre le frigo, contemple les pots, les boîtes, les sachets. Elle se décide pour des crudités. Tomate coupée en tranches, pain qui croustille. Un sandwich et un verre de jus d'orange. Une drôle de sensation, comme une présence. Yoon se retourne et sursaute en voyant les yeux rouges dans l'encadrement de la porte.
C'est pas la porte à côté, mais c'est une bonne planque, assure Nudge. Dusk est dubitatif, cette œuvre, il la convoite. Faire une copie, c'est une autre histoire. À quoi avons-nous à faire au juste ? Lewitt stresse sur sa cigarette, emplissant la pièce de bouffées névrosées. Une ombre, un homme vêtu de blanc, le visage fin et anguleux, pointe une arme dans leur direction. Clac. Le cliquetis d'une lame qui se déploie. Yoon pose son verre sur le plateau en fixant l'Albinos. On dirait que ses yeux s'agrandissent, que des étincelles s'y entremêlent. Yoon s'approche lentement, les pupilles rouges, les membres raides. L'Albinos l'enlace et pose la lame sur sa clavicule. Belle... si belle. Juste un murmure au creux de l'oreille. La lame caresse la peau, entaille le tissu.
Les jeux sont faits, rien ne va plus.
19 March 2008
Arthur C. Clarke
Clarke c'est aussi 2001, a Space Odyssey, une fable philosophique sur le développement de l'homme qui s'affranchit de l'animalité par l'acquisition de l'outil puis s'affranchit de son humanité par l'abandon de l'outil (sous sa forme la plus évolué: le superordinateur HAL) et sa renaissance en enfant cosmique.
Le monolithe, symbole impersonnel, déïté non-anthropomorphique, agit comme un élément extérieur, posé-là par un non-dit scénaristique afin de faire effectuer des sauts quantiques à ce singe au potentiel prometteur. Le film réalisé par Stanley Kubrick reste à ce jour, bien que la date butoir soit dépassée depuis 7 ans, un monument suscitant une réflexion à chaque fois renouvellée depuis son départ préhistorique jusqu'à la porte des étoiles et le final abstrait empli de beauté graphique.
Lors de ses adieux en vidéo filmés en décembre 2007, Arthur C. Clarke évoquait son envie d'effectuer le Contact. La rencontre avec une intelligence non terrestre. La mort, frontière ultime, bruit de fond cosmique impénétrable, lui permettra peut-être de réaliser ce rêve.