04 February 2007
As Soon As #2
As Soon As
Just Without a Kiss #2
Just Without a Kiss #2
#1
Les lumières s'allument sur la ville ancienne et même millénaire. Derniers reflets orangés tandis que le crépuscule se termine. La mer encore nimbée de l'or rougeâtre du soleil couchant se confond avec le sang. Blood et tempes lourdes. J'ai envie de me reposer mais j'ai encore des tas de trucs à régler.
Je m'étais brièvement arrêté à l'ombre d'un petit sentier afin de bander ma plaie. Sans gravité, je n'ai été qu'éraflé.
Je suis naze, les nerfs fondus par le flux intense de la substance,
Trip qui se termine sur des relents gastriques acides,
Et la douleur dans le bras.
Un employé affable me conduisit jusqu'à la suite. Très affectueux avec ASA qui amusé joua le jeu. La chambre est parfaite avec accès au net. Mobilier design, lampe fusée aux bulles de cire rouge globulant lentement, grandes affiches emplies de planètes et de galaxies, système stéréo haute-fidélité murmurant quelque trance hypnotique, vue touriste sur le Vieux-Port et l'inévitable Notre-Dame de la Garde. La salle de bain carrelée est psychédélique à souhait. Brosse à dent profilée comme une fusée, serviettes moelleuses aux étoiles luminescentes sous la lumière noire, des motifs de science-fiction tracés à la ligne claire évoquent un pulp des années 50. La douche, sas de décompression aux formes molles, fait glisser les scories et me revivifie. S'occuper de la plaie recouverte d'une croûte coagulée au vermillon profond. Bande de gaze imbibée de baume indien à l'odeur de calendula. Confortablement drapé d'un peignoir épais, je commandais nonchalamment une collation à un employé dur d'oreille. Le groom amena les mets demandés si ce n'est un milk-shake à la fraise remplaçant le jus de tomate.
J'enfilais une veste queue de pie vert pomme sur pantalon rayé bien ajusté masquant de vieilles bottes jaunes usées avant de sortir en arrangeant le jabot dentelé d'une chemise de soie. Odeur de kebab au monoxyde de carbone, j'avisais un téléphone sachant déjà comment Bauhaus allait réagir : très inquiet.
Douglas Makoid : ¿ Capitaine Red ? Peter Pan à l'appareil. Je rejoins le bateau mais avant, je dois semer quelques alligators. Je ne sais pas quand le brouillard se lèvera sur la crique. Si le soleil tarde à se pointer, j'aurai besoin de m'abriter. Le perroquet est apprivoisé. Salut !
Un répondeur anonyme dans un appartement vide transmettant via modem le message vers un mail sécurisé que seul Bauhaus connaît
Nouveau coup de fil. London.
Répondeur : Sorry, I'm not here ! Beep.
Terry est le mec, parmi mes connaissances, le plus difficile à joindre.
Douglas Makoid (enjoué et riant) : Eh mate ! Happy Birthday ! Je suis désolé de ne pouvoir venir te faire une baise but you know the story, deux playmates assoiffées n'ont que moi pour se désaltérer. Je ne peux, you'll certainly understand, décommander. Allez, c'est toi qu'j'aime, ma drag-queen de Haarlem ! Kiss, ne soit pas timide ! Dougie.
Retour à l'hôtel, clope et repos. Douglas Makoid s'assoupis.
Image rémanente se déformant. Pupilles saturées de phosphènes bleutés. D'informes formes glissent sans répit derrière les paupières alourdies. Peu à peu, le bindi se focalise. Les motifs se brisent tout à coup pour former des milliers de patterns s'agençant sans cesse en de nouvelles combinaisons désormais interprétables par l'esprit.
Un loop d'images saccadées n'en finit pas de recommencer rejouant sempiternellement la même scène.
Un pneu crisse dans le gravier. Trois bolides sont lancés. Un cigarillo coincé entre les dents d'un visage au rictus de cinglé. Le reflet doré sur le canon d'une arme bleutée. Des virages se succèdent, vitesse effrénée,
en caméra embarquée
Chaque fois plus speed, chaque fois plus violent, le loop subit boucles après boucles de subtils changements.
Maintenant,
deux énormes panthères de métal noir galopent en grondant
Puis,
une guêpe aux ailes acérées lançant des aiguillons d'argent
Le cigarillo mâché par des crocs.
Les images s'étirent en d'impossibles morphing, lumière aveuglante. Imminence de la mort…
Le cœur se retourne quand la vitesse s'inverse. décélération brutale et fuite supraluminique. Douglas Makoid quitte le rêve.
Tâches de couleurs explosant en flashs stroboscopiques. Sensation de chute et choc en revenant dans mon corps. La vision tout d'abord envahie de petits carreaux noir & blanc se reconstruit en fondu enchaîné.
Je repris mes esprits en vacillant, le sol se déroba sous mes pieds. Joue plaquée sur un tapis épais. Le pied chromé de la table basse se dédoubla un instant spasmodiquement. ASA me fait une lèche. Ce sacré animal aux pouvoirs spirituels était venu jusqu'à moi en maîtrisant son corps de rêve. Ensuite, pour un chien aussi doué, rien de plus facile que de me ramener. J'allai devoir lui offrir un os de dinosaure pour le remercier de m'avoir sauvé la vie. Remarquez, vous pouvez, vous aussi, le remercier car sans lui - et comme c'est moi qui écrit - l'histoire serait finie.
Maintenant, je devais m'atteler sans plus tarder à une nouvelle tâche : tenter de rester en vie. Si l'Organisation a réussi à m'accrocher tandis que je rêvais, c'est qu'elle est bien plus dangereuse que Bauhaus ne le pensait. Sans ASA, s'en était fait de moi. Par contre, aucun doute, je suis repéré.
Réception d'un message.
OK Pete. Je t'attends pour lever l'ancre. En cas de mauvais temps je connais un vendeur de parapluie : 2134-9687
Douglas Makoid sort dans la nuit tiède de Marseille, rues sinueuses aux mille fragrances de haschisch épicé emplies de rythmes lointains couleurs vert jaune rouge. Il se perd un peu, hésite devant makrouts et zlabias mais renonce aux suaves pâtisseries. Ah ! Une cabine para telefonar. Un émir très énervé braille en arabe avant de raccrocher à s'en casser le poignet. Son costume se prend dans la porte et se déchire en un Ziiip ! sonore. Jurons visiblement très grossiers et regard assassin se reflétant dans les verres miroirs de Douglas Makoid impassible.
La cabine est taguée, quinze sonneries avant de décrocher. Une voix rauque et chuchotante me fixa un RdV de manière mécanique. Pas le temps de parler, il m'a raccroché au nez. J'errais un peu avant de trouver ce qu'il a dit être un bar typique et poussais la porte d'un bon vieux bistrot à l'odeur rance, mélange de bière et de tabac.
Le patron règne derrière le comptoir imitation bois. Chemise blanche un peu fatiguée aux manches relevées révélant des avant-bras poilus. Tatouage, la double croix de l'OctoChrist, bizarre. Un visage empâté à la moustache garnie rehausse le crâne dégarni. Ses gestes sont lents mais précis, le petit coup de poignet calculé pour qu'aucune goutte ne vienne maculer son vieux tablier. Cet homme est capable de servir une pression sans que ses yeux ne quittent l'écran télé. Faculté certainement acquise lors de la retransmission de matchs de foot ou simplement en regardant les Yeux du Stade.
Pratiquant mon propre sport de manière intensive, le gentleman cambrioling, je consacrais peu de temps à suivre des parties de ballons ou des concours à qui sautera le plus haut, le plus loin, le plus fort, le plus sponsor bref le plus sport. Néanmoins, je savais que l'équipe de foot de Marseille cassait la baraque depuis environ dix ans, raflant coupes après championnats. Un business man, au porte-monnaie gonflé, passionné par ce sport avait repris le club en main et depuis c'était le succès. Le plus marrant, c'est que les joueurs portent son nom sur les maillots, la presse les a vite surnommé les pantouflards, ce qui irrite le président, Bernard Pantoufle.
Je m'installai sur une banquette, patinée par des milliers de fessiers, en skaï bordeaux.
Un ventilateur brassant mollement l'air épais
Ce soir, heureusement, pas de match passionnant et l'ambiance était calme, peut-être même morose.
Les néons verts de l'enseigne soulignant par intermittence une publicité pour une boisson cacaotée au nom évocateur de ChocChoco
Le cendrier se remplit, la tasse de café est vide et oubliée. Seule la télé semble vivre. Je regardai Raimu en César ému devant une Demazis jouant Fanny. Une pellicule noir & blanc fixant sans artifices des personnages interprétés par des acteurs magiciens.
Ça y est, le type fait son entrée. Il tenait un parapluie évidemment, et se dirigea droit vers moi.
Le type : Tu viens Pete.
Vieux jean fatigué et main jouant avec des clés, il m'offrit un sourire engageant. Je me levai,
La banquette gardant un instant le souvenir des formes de son occupant
Nous quittâmes le sympathique troquet, il n'était pas bavard et eut l'air soudain soucieux. Dehors, il marchait rapidement, traversant en toréant avec les voitures.
Le type : On va à ma caisse et j't'emmène dans un endroit plus sympa. Au fait, appelle-moi Deckard.
Douglas Makoid : ¿ Deckard ?
Deckard : Ouais, c'est dans Blade Runner, j'suis fondu de ce mec, j'adore me faire un répliquant de temps en temps.
Méditant sur sa dernière réplique, je regardais cet étrange individu un peu speed oscillant sans cesse entre humeur joyeuse et anxieuse. Je pouvais avoir une confiance totale envers lui puisque c'est Bauhaus qui me l'a envoyé.
Je montais dans la caisse du héros de Philip K. Dick, un coupé anglais, je ne m'en étonnais pas. Vrombissements et pétarades, le coupé prend le mors mais bientôt Deckard l'apprivoise, petits coups de volant, nerveux. Laissant dans son sillage des bouffées métalliques la voiture ondula avec agilité dans le trafic indiscipliné de Marseille. Suite invraisemblable de rues étroites et escarpées entrecoupées de brèves incursions dans de vénérables boulevards du 19ème siècle. Puis, après avoir contourné un dernier consulat, la mer.
Horizon noyé de brume sombre, les mille reflets de la ville se projetant en myriades de couleurs sur cet écran mouvant. La plage est pleine de vie. Pizzaiolos magiciens sculptant la pâte tournoyante. Acrobates aux blades de caoutchouc glissant sur des bowls aux tracés travaillés couverts d'art en aérosol. Groupes de groupies métissées offrant toutes les teintes du noir d'ivoire au blanc d'ébène, le corps rehaussé de bijoux piercés se baladant pleines de rêves souriants ou parfois un peu tristes, une drapée d'une robe légère au patchwork étudié, l'autre courte vêtue d'une jupe dansante ornée d'un bustier ou même d'un soutien-gorge aux motifs étoilés et à la taille inversement proportionnelle à l'objet qu'il épouse. Types en costard Armando à la coupe aussi louche qu'impeccablement italienne marmonnant à voix basse d'inimaginables conciliabules ou chachant d'un air dégagé, le torse gonflé, les mains lancées dans des passes magiques emplies des reflets dorés de leurs doigts bagués. Deckard se gare.
Il sautillait plus qu'il ne marchait vraiment. Je lui emboîtai le pas sur la plage du Prado. Odeur de fast-bouffe perturbée parfois du musc raffiné d'un après-rasage de supermarché ou encore par de brefs effluves de kif enivrant. Beat déconstruit sortant d'un Tokoya conçu pour lâcher ses watts à l'endroit de son choix. Bribes d'arabe à l'accent marseillais, clameurs joyeuses d'italien, espagnol susurré par la voix chaude d'une andalouse et parfois, un peu de français.
Le mistral nous caresse de son souffle tiède et la lune dans le ciel. Les lueurs du château d'If trouent l'eau sombre de reflets expressionnistes évoquant la mémoire d'outre-tombe de Monte-Cristo. Un yacht immaculé à la promesse d'amusantes croisières offre à coup sûr une fête masquée pour riches oisifs en mal de mascarades. Sur la corniche Kennedy, les voitures carénées filent en d'impossibles courses laissant un mélange de vrombissements et de boum tchi boum tchi, effet Doppler de rigueur. Parfois, une moto fuselée se faufile élégamment, son passager à peau de cuir et casque profilé accouplé à la mécanique bien huilée en une étreinte passionnée.
Nous passâmes devant de petites gargotes en plus pur style pile poil de nos jours, brique impersonnelle noyée de décoration de pacotille de chaînes à l'américaine. Skateshop pulsant la mode US au rythme d'un set de hip-hop westcoast. Coffeshop, serveuses aux yeux cernés, vendant glace, donuts et café sur des terrasses enfiévrées. Bazar remplis de gadgets électroniques et de tubes de crème solaire pour bronzer en toute impunité. Kiosque aux journaux racoleurs pour lecteurs voyeurs. Fast-food climatisé, hamburger épais et Fuzz glacé. Deckard me jeta un coup d'œil.
Deckard : T'as faim ?
Ma collation de l'hôtel m'avait suffi cependant j'aurai bien avalé une petite friandise mais devant la perspective d'un dessert fast-bouffe, je ne pouvais m'empêcher de regretter les appétissantes pâtisseries orientales que j'avais boudées. Je fis un petit signe de tête, négatif. De plus j'étais assez impatient d'arriver à son bar pour pouvoir discuter un peu.
Deckard s'engouffra néanmoins dans un Barrière. Je le suivis, morose. Le probable cent millième point de vente de la chaîne avait achevé sa décoration asiatique et nous fîmes la queue en matant les quadrichromies de voraces geishas au sourire délicieusement artificiel. Des télés crachaient d'infects clips de groupes de dance made in fric. Mais le meilleur c'était les pubs qui saucissonnaient les clips. L'objet de culte de Barrière est actuellement sa future merde au poisson surgelé qu'il fera passer pour du sushi à coup d'arôme artificiel aux effets secondaires addictifs. Les pubs passaient toutes les deux minutes arrosant les cons-somateurs de sauce subliminale. Dix minutes de queue, trois quatre pubs dans les yeux. Je notais, pour demain, avoir envie de sushi.
Le pire c'est que le Sushi-B™ n'est pas encore sorti, Barrière crée l'envie mais ne la satisfait pas tout de suite, il fait mariner son client. Il a tout compris, il peut se mettre à vendre de la came. C'est déjà ce qu'il fait de toute façon. Nous sortîmes tandis que Deckard mordait dans le pain le plus bouffé au monde. J'attendais son inévitable remarque sur le Sushi-B™ mais il ne dit rien, c'est normal, tout le monde espérait la réplique.
Nous longeâmes la plage, Deckard me montra des lasers perçant l'indigo de la nuit vers de lointaines galaxies. Ils provenaient d'un bâtiment aux lumières tournoyantes enlisé dans le sable, les murs penchés comme si l'un des côtés avait légèrement basculé. Sur le toit, des grandes lettres de néons grésillent un nom : Les 1001 Nights. À son approche, la foule se fait plus dense, massée autour de cracheurs de feu au torse surdéveloppé et d'avaleurs de sabre aux membres effilés. Dans le sable, sont fichés de grands projecteurs lançant des feux dansant sur le palais aux murs mosaïqués. Le sable semble avoir avalé le rez-de-chaussée et c'est par le premier étage qu'il faut y pénétrer. Les motifs de la façade sont emplis d'arabesques entrelacées, comme un palais maure bâti par Antoni Gaudí. Quatre derviches tourneurs encadrent l'entrée penchée en d'hypnotiques tournoiements.
Des videurs schootés au blouson Schout nous scrutèrent de la tête au pied. C'est bon, on peut entrer. Depuis les tréfonds du mausolée retentit l'écho d'un beat assourdi.
La salle est gigantesque, ponctuée de grandes colonnes ouvragées soutenant une voûte étoilée. D'incroyables jeux de lumières teintent d'une infinité de coloris les colonnes de fumée s'échappant de braseros, calices enflammés. Des lasers dessinent de techniques mosaïques sur les grandes statues de djinns et de génies qui confèrent à l'architecture une aura de mystère. Là-haut des trapézistes planent sur les alizés, la peau parcourue de symboles au henné. À l'une des extrémités trône une fontaine sculptée de créatures færiques. L'eau jaillit en pluie alimentant une piscine où flottent les nénuphars.
Au centre, la scène circulaire effectue une perpétuelle rotation. Recouverte de tapis perses et de musiciens sertis en son écrin. Ils semblent communiquer leur transe au dancefloor tout entier, darboukas et tablas, violons et violoncelles, scratchs et synthés, oud et sitar, danseuse à peau de miel et chanteuse à voix de soie entraînés dans un ragga de raï pulsé par de la techno arabe. Le dancefloor est une peau transparente projetant les mouvements de fractales spatiales sur laquelle glissent les dancers aux balancements syncopés. Jeunes keums à la poitrine luisante entourés d'un seul pantalon bouffant, visage convulsé ou regard fixant l'infini. Formes féminines en saree tacheté ou à la jupette ajustée, corps extatiques parcourus par le beat.
Frôlements - Esquives - Parfum - Sueur
Deckard m'emmena vers un large couloir longitudinal,
Schéhérazade Street gravé en profonds sillons dansants sur le plafond aux larges dalles
Révélant une multitude de tentes dont les tissus sont emplis de symboles. C'est un souk entier dédié aux substances opiacées. D'inquiétants alchimistes au rictus sardonique proposent cachets, poudres colorées et petits bouts de shit. Maniant des balances lilliputiennes en métal ouvragé, ils acceptent même la carte bancaire. Derrière tout ce remue-ménage, le couloir s'élargit pour laisser la place à un autre marché. Astronomes à la robe constellée devisant sérieusement avec de jeunes cyberpunks connectés au net, astrolabe et casque virtuel permettant de créer la première science magique cybernétique. Un escalier en métal ciselé troue la salle pour s'élever jusqu'en haut d'un minaret renfermant un observatoire high-tech.
Deckard : Hey Pete ! J'ai pris du népalais. Viens, on va s'installer pour discutailler un coup.
Douglas Makoid : Oui, j'aimerais quelques éclaircissements.
Nous quittâmes Schéhérazade Street avant d'emprunter de longues passerelles se ramifiant vers un réseau d'alcôves en hauteur. Le dôme prenait à ce niveau la forme d'une fleur de lotus avant de repartir de manière sphérique. Nous nous installâmes dans de confortables fauteuils entourant une table basse aux petits plateaux de bois sculpté.
Deckard se saisit d'un plateau et commença à rouler. Le balayage des spots dessinait de grandes tâches mouvantes sur son visage. Stroboscopes, l'image se saccade, se tord, se dédouble en violents à-coups au grésillement électrique. Je bloquais un moment sur ces visions, entraîné dans la mélopée envoûtante que susurrait une choriste en hindi. Deckard me tendit une moitié de pétard.
Deckard : Tiens mec, v'la de quoi te réveiller.
Je le regardais transi et lui signifiais un non merci. J'étais vanné. Avant tout, il fallait discuter et s'échapper vite fait.
Douglas Makoid (voix assoupie) : Qu'est-ce que tu sais sur l'Organisation ? Leur domaine d'activité ? Et leurs capacités spéciales ?
La musique s'amplifia, c'était tout juste si j'arrivais à entendre ce qu'il disait.
Deckard : En fa… BOUM …sation BOUM …voirs para… BOUM …onc tu BOUM cacher BOUM.
Une serveuse arriva à la table, Deckard s'arrête de parler et la regarde. Une longue chevelure blond cuivré encadre un visage kabyle voilé d'un voile diaphane soulignant le galbe du nez et le dessin des lèvres. Ses yeux d'un bleu perçant habillés de khôl, ses hanches au nombril annelé ceinturées d'un pantalon taille basse au tissu flottant. Un petit caraco en tissu synthétique masque bien peu ses seins piercés de son étoffe aérée. Regard et sourire, elle dit s'appeler Saphir.
Deckard lui demanda un thé à la fleur d'oranger, il se sent un peu barbouillé. Aucune envie de mater la carte, je pris la même chose. Saphir nous quitta en froufroutant ne laissant qu'un parfum fruité et le souvenir de sa beauté.
Deckard : Bon, je sais où tu peux te planquer en attendant que la tempête passe, mais il faut attendre le feu vert du cap'tain Bauhaus. Il doit confirmer. ¿ Tu veux le cow-boy ?
Une ombre. Soudain pressentiment et bad feeling,
Deckard me traversant d'un regard rougi par le joint
Léger sifflement, le front de Deckard se perça d'un trou rouge à l'endroit exact du troisième œil.
Son corps s'effondrant au ralenti, la tête heurtant la table
Petite flaque de sang
Je me retournais brusquement, sentant un souffle d'air. Une forme fugitive se glissa près de moi.
Pression d'un canon sur le flanc
Deux types encadrent le cadavre de Deckard me fixant derrière des lunettes noires. Toujours les mêmes gueules carrées, ils m'ont déjà retrouvé. Jamais je ne m'étais fait piéger avec une telle efficacité.
Le Type à la droite de Deckard (voix sifflante) : Nous avons enfin réussssi à retrouver votre trace Monssieur Makouad.
Douglas Makoid : Makoid ! Ça se prononce à l'anglaise, (articulant distinctement chaque syllabe) Makoyed.
Je tenais beaucoup à ce qu'on prononce correctement mon nom, il est tellement photogénique.
Le Type à la gauche de Deckard (en gueulant et tapant du poing sur la table) : Ça ssuffit Monssieur Makouad !
La pression de l'arme se fit plus intense. Tiens ! Voilà Saphir qui revient. Elle portait un grand plateau en métal ouvragé qu'elle déposa sur la table, sans le moindre regard vers Deckard, et servit le thé comme si de rien n'était. Après avoir rempli quatre tasses de liquide fumant à l'aspect un peu trouble, elle reprit son magnifique plateau et s'en alla sans dire un mot.
Le Type à la droite de Deckard (avec un geste d'invitation) : Buvez, je vous en prie, c'est une boisssson excellente.
Comme pour me prouver la véracité de son affirmation, il but une généreuse lampée avec un air satisfait. Six verres fumés en train de me fixer, je pris la tasse et avalais une petite gorgée. Excellente, le mot était faible, tant la saveur et la richesse du bouquet explosait dans mon palais. Cependant, étant un peu contrarié, je ne l'appréciais guère à sa juste valeur.
Le Type à la droite de Deckard : Vous allez nous rendre la pierre immédiatement.
Douglas Makoid : Ce serait avec grand plaisir, mais voyez-vous, je ne l'ai pas sur moi. Par contre…
Le Type à la droite de Deckard : Arrêtez vos sstupides fanfaronnades, vous ne ssavez pas à qui vous avez à faire…
Douglas Makoid : À des types qui zozotent !
Je me pris une grosse baffe en pleine tête. Inconscience d'un instant. Aucun d'eux n'avait bougé.
Le Type à la droite de Deckard : Vous voyez, vous n'êtes pas le sseul à utilisser ces techniques ssavantes. Acceptez le fait d'avoir perdu la partie, resstituez-nous la pierre ssans tarder et vous aurez une mort rapide. Buvez votre thé.
Le liquide encore bouillant ne se laissait pas boire facilement. Ils avaient déjà fini leur tasse et se resservaient. La musique se fit plus lourde, le tempo charriait des flots de sons épais qui me donnaient la nausée. Une voix criarde entonna un chant dissonant tandis que les rythmes se déstructuraient. Le bâtiment tout entier sembla vaciller. Les colonnes de fumée s'emplirent de formes fantomatiques aux yeux noirs douloureux tandis qu'un de mes futurs exécuteurs léchait l'intérieur de la théière d'une langue bifide. Leurs visages se tordaient convulsivement formant des faciès grotesques et changeant. Je tombais dans le puits sans fond du néant.
Cut.
To be continued...