29 July 2007
As Soon As #13
As Soon As
More Than Meet the Eyes #8
More Than Meet the Eyes #8
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Interlude
Le boulevard Louis XIV, n'était en vie qu'aux abords du Versailles, dernier lieu ouvert à cette heure de la nuit. Quelques noctambules ne semblaient pas se décider à retrouver les averses que pleurait régulièrement le ciel. D'autres entraient précipitamment, la voiture garée en double file pour acheter de quoi fumer avant de replonger dans l'habitacle de leur véhicule.
Vrombissement lointain, puis de plus en plus fort, jusqu'à couvrir la musique du bar tabac. Un jeune garçon aux yeux vitreux se penche un peu pour observer par la vitrine chargée d'affiches.
Caméra embarquée sur une moto, la tapisserie entremêlée de pointillés et de larges flèches blanches se succèdent sous les pneus épais. Trajectoire sinueuse mais fluide, le décor bascule dans les virages. L'eau gicle comme une fumée liquide propulsée par la roue arrière. Une autre moto entre dans le champ, ses lignes aussi épurées que futuristes semblent prolonger le corps du motard gainé d'une combinaison de cuir noir.
Larges bottes aux boucles chromées vibrant au rythme du moteur
Ambiance de manga,
Phares rouges laissant des traces rémanentes imprimant la rétine
Les fumeurs pressés voient passer deux silhouettes de métal aux formes organiques si rapidement qu'ils ont l'impression d'avoir rêvé.
Les imposantes grilles de la préfecture s'ouvrent lentement tandis qu'une berline noire aux vitres aveugles quitte la cour d'honneur pour s'engager presque silencieusement dans une allée longitudinale de la place de la République. Sur les marches, un homme jette un dernier regard, la cravate au vent avant de rentrer précipitamment, parapluie à l'appui, dans le large bâtiment aux pierres recouvertes d'un voile fin de pollution. La berline patiente un peu à un feu rouge avant de s'insérer sur le boulevard de la Liberté vide de voitures,
Au cœur de la nuit.
Deux lumières blanches se rapprochent à mesure que s'amplifie le rugissement d'une mécanique en pleine action. La berline noire, impassible, gagne un peu de vitesse. Les deux motos d'un rouge sang ne sont plus maintenant qu'à quelques centaines de mètres. Elles s'éloignent l'une de l'autre,
Mouvement sec de guidon rappelant le vol des frelons
De manière à pouvoir encadrer la voiture.
Arrivée à la hauteur de la portière arrière
La berline accélère, maintenant certaine que la situation dérape. Mais les motos se calquent sur le changement d'allure presque immédiatement comme si elles étaient devenues les satellites d'un corps plus grand. Un bras quitte le guidon et se pointe vers la vitre opaque dans un mouvement au ralenti cadré en gros plan.
Main gantée tenant un objet contondant
Douglas Makoid notebook
L'homme qui venait d'entrer me fit toute suite une sale impression. Sa tête chauve et ovale était habillée de traits reflétant une certaine noirceur d'âme. Des sourcils fournis barraient d'ébène son front plissé de soucis. De grands yeux entourés de longs cils qu'on croirait maquillés jetaient de nombreux coups d'œil rapides dans tous les sens. La peau de son visage était piercée d'innombrables bijoux de métal. Les arcades, les oreilles mais aussi les joues, le menton et les lèvres. Cependant l'assemblage le plus étonnant se déployait autour du nez, les anneaux passaient par une narine, avant de repasser par l'autre constituant comme une grille au bout du nez. Il était tout naturellement vêtu d'un ensemble Karl Klavzer à la coupe audacieuse et contemporaine. Les plis ne semblaient jamais tomber au meilleur endroit ce qui lui donnait une silhouette étrangement décalée mais empreinte de majesté glacée. Le tissu sombre, plus délicat que de la soie, se gonflait de vagues au moindre mouvement. ASA se mit soudain à gronder d'une manière alarmante.
Juste derrière le nouveau venu, un chat noir avançait calmement, avec toute la félinité qu'on attendait de lui. Une aura filandreuse s'effilochait à sa suite. Je sentais la détresse d'ASA s'enfler près de moi.
As Soon As : Doglas, ce chat, c'est la négation pure. Une aberration, une atteinte au principe de Vie.
Douglas Makoid : T'en fais pas un peu trop, je comprends que tu n'aimes pas les chats, ça doit faire partie de tes gènes.
As Soon As : Tu ne m'as pas bien compris, je crois. Regarde le bien, ne sens-tu pas qu'il est certainement bien plus puissant que moi ? Il manipule le boomerang comme carburant, c'est ce qui le rend noir mais capable de réactions en chaîne.
Douglas Makoid : Merde, c'est ton ennemi juré, alors. Un peu manichéen comme délire, tu crois que l'auteur nous ferait un coup pareil ?
Nos considérations métaphysiques s'arrêtèrent là car l'homme au chat après avoir salué l'assemblée, s'installa autour de la table, brisant la symétrie. Il prit tout de suite la parole, s'adressant uniquement au moine.
L'homme au chat (voix caverneuse) : L'opération vient de ss'achever. Le taux de réussssite avoisine les 100 %, en fait (pointe de fierté), tous les objectifs ssont atteints.
Membre de l'OctoChrist : Bien, ce n'était là que pure routine de toute façon. Je suis content que vous ayez enfin réussi quelque chose. Vos dernières actions cultivaient le fiasco.
Les autres participants ne semblaient plus savoir où se mettre, ils assistaient au sermonnage, conscients que leur tour viendrait à la moindre occasion.
Membre de l'OctoChrist : Messieurs, Madame, vous allez bientôt apprendre la mort de Felipe Rodriguez, les nombreux indices laissant à penser que YakuWaz' pourrait bien en être la cause.
John White (effaré) : Vous avez fait tuer Rodriguez ? Mais, il était très utile, ses nombreux contacts diplomatiques...
Membre de l'OctoChrist : Son rôle était terminé, faites en sorte que le vôtre ne le soit jamais. Bien maintenant, mon cher Dos Santos, où en sont vos recherches pour récupérer (pointe d'ironie) votre bien ?
Dos Santos : Nous avons retrouvé ssa voiture, abandonnée du côté de Bordeaux, il avait certainement découvert le pissteur. De pluss, sses rêves nous ssont devenus impénétrables. Mon chat, As You Wish, ss'emploie à percer une brèche dans la trame, afin que nous le repérions.
Le chat sauta sur ses genoux, il se mit à le caresser d'une main baguée.
Membre de l'OctoChrist : Vous devez récupérer la pierre avant que Sélène ne saisisse sa chance ! Je me moque des soi-disant talents de l'énergumène qui ne cesse de vous filer entre les pattes. Avouez plutôt les déficiences de votre Organisation et profitez de cet incident fâcheux pour remettre de l'ordre dans vos troupes (pause). Suivez la piste Bauhaus, cherchez sur Lille.
Ambroise et moi commencions à nous sentir particulièrement mal à l'aise. Les mailles du filet étaient en train de se resserrer autour de nous. Il allait falloir agir vite. Le moine ajourna la séance d'un mot sec. La salle se vida, laissant les caméras scruter le vide. On se casse.
Camille K notebook
La lumière et le son se mêlent en un tout inextricable. Je monte le long d'une spirale crépitante. Prêt de moi, contre moi, en moi, une présence amie m'irradie de joie et de tendresse. Je me tourne vers elle, tandis que nous plongeons vers le haut, toujours plus haut le long de ce tube électronique. Et alors que je me fonds dans la présence, que je deviens elle et qu'elle devient moi, nos cœurs en fusion prennent un nouvel envol.
L'élévation devient hallucinante, je-nous prenons encore du recul et sans cesser de tourbillonner, je-nous percevons maintenant la spirale depuis un extérieur, un ailleurs. Une double hélice, reliée par des rayons de pur amour semble s'étendre vers l'infini. Je-nous baignons totalement dans cette vision, en osmose, pulvérisant la sensation de séparation.
Des traits de lumière laser fusent au cœur de l'hélice, formants peu à peu de nouveaux brins. Je-nous contribuons à les tisser, ainsi que d'innombrables autres présences tout autour. Une renaissance, une reconnexion est à l'œuvre, je-nous en faisons partie et c'est si doux, si bon.
Maintenant, la spirale est complète, douze brins s'enroulent, étroitement mêlés. Le cœur de l'homme possède désormais de nouvelles capacités, je-nous sommes en train de les explorer...
Tout s'accélère puis bascule, je sens contre moi, les coussins douillets d'un profond canapé, j'ai chaud et je me sens merveilleusement bien. Contre moi, un corps est blotti et nos cœurs sont ouverts l'un à l'autre. J'ouvre les yeux, la joue de la barmaid est contre la mienne et nos souffles sont à l'unisson. Je la regarde sourire, les yeux encore fermés. Je glisse un baiser au creux du cou, près du col de son bleu de travail qui la rend si délicieusement garçonne. Elle ouvre les yeux, me regarde avec tendresse, murmurant juste whoa !
Je suis encore décalée, la tête résonnant de l'expérience, la boisson m'avait complètement fait perdre pied mais je ne le regrettais pas. Nous restons ensemble encore un long moment, échangeant des mots et des sensations. Nous sommes comme dans une bulle mais en même temps, nous percevons le reste de l'univers comme s'il était en nous.
Case choisit cet instant pour réapparaître, la démarche vacillante, les yeux dans les étoiles. Il nous raconte sa joie. Son trip nous échappe quelque peu, mais quelle importance. Nos corps nous rappellent cependant qu'ils sont fatigués, il est temps de rentrer.
Sur la route, j'ai les yeux lourds mais je m'efforce de ne pas me laisser hypnotiser par le balayage des essuie-glaces. Case est en train de chantonner, riant de temps en temps. Je le regarde, imaginant les brins de son ADN en train de se reconnecter.
La nuit glisse lentement vers une aube grise tandis que nous découvrons Lille, luisante de pluie, depuis le périph' aérien. Seuls les camions de ramassage des ordures bourdonnent dans le centre à cette heure. Les éboueurs trottent derrière, la tête rentrée dans le col de leurs impers fluos.
Je me gare sur le trottoir, en face de l'église Saint-Maurice croulant sous les échafaudages pour acheter de la viennoiserie polonaise au Renard, une petite boulangerie tout en poutres et en briques.
La ville s'éveille, les parapluies fleurissent, chaque cellule humaine vaque à ses occupations, chacune d'entre elles est une promesse.
L’imper noir en cuir synthétique de Camille K se rabat gracieusement au gré d’une bourrasque de vent tandis qu’elle se glisse dans l’habitacle accueillant de la voiture.
Zoom sur les replis de l’imper, d’abord légers sillons puis profonds canyons, la trame artificielle du tissu apparaît.
Cellules aux lignes lisses et arrondies laissant deviner d’innombrables anfractuosités dessinées en courbes de Béziers
Le point de vue switch en wireframe, chaque polygone se pixellise. Couleurs 32 bits, teintes électroniques.
Un pixel emplit l’écran animé d’une vibration. Fréquence gigahertz. Infinités de filaments lumineux se mouvant comme sur un vu-mètre d’oscilloscope.
Ondulation cohérente et harmonieuse
To be continued...