<$BlogRSDUrl$> <body><script type="text/javascript"> function setAttributeOnload(object, attribute, val) { if(window.addEventListener) { window.addEventListener('load', function(){ object[attribute] = val; }, false); } else { window.attachEvent('onload', function(){ object[attribute] = val; }); } } </script> <div id="navbar-iframe-container"></div> <script type="text/javascript" src="https://apis.google.com/js/platform.js"></script> <script type="text/javascript"> gapi.load("gapi.iframes:gapi.iframes.style.bubble", function() { if (gapi.iframes && gapi.iframes.getContext) { gapi.iframes.getContext().openChild({ url: 'https://www.blogger.com/navbar/6196991?origin\x3dhttp://mirrorworld.blogspot.com', where: document.getElementById("navbar-iframe-container"), id: "navbar-iframe" }); } }); </script>

25 February 2007

 

As Soon As #5 

As Soon As

Just Without a Kiss #5

#4 - #3 - #2 - #1

Plus tard dans la nuit Douglas Makoid et Camille K sortent de la résidence. Regards suspicieux, ¿ Is there anybody out there ? Parfait, ils peuvent y aller. La Tsunami démarre en grondant doucement, Camille K prend le volant. Quelques petites rues et le boulevard Albert 1er, le stade nautique n'est-ce pas et la rade aux voiliers drapés de noirceur. Quartier chicos de Monte-Carlo. Le casino, cocktails non pas au shaker mais à la cuillère. Tables de jeux martelées et dollars échangés. Faune de nobles décadents d'un monde moribond : la pègre des pingres. Robes Lannelle à la coupe suggestive, jambes gainées de soie. Pingouins trop serrés sur des bedaines enflées. Œillet rouge et Borsoduro. Colonels et camorra, agents secrets et financiers : les bandits manchots. Quelques rues plus loin, un hôtel discret aux terrasses de palmiers.

La chambre est simple et spacieuse. Une baie vitrée nous laisse découvrir la Méditerranée. Je m'affalais dans un canapé. Camille dans un fauteuil se roula un truc. Je ne dormirai pas tant que je n'aurai pas tout raconté. OK j'y vais.

Douglas Makoid (fatigué, parlant doucement) : J'ai piqué cette pierre (tendant une petite sacoche en velours blafard à Camille K) à l'Organisation hier en début d'après-midi.

Camille sortit la pierre de la bourse et je la découvris pour la première fois. C'était comme un galet qui n'aurait pas entièrement été poli. Quelques anfractuosités dégageaient un éclat bleuté. Les bijoux de Camille scintillèrent au diapason des rayons donnant une étrange vie de lumière à son visage éclairé de la seule lueur d'une bougie. Captivating stone aux teintes blafardes. La pierre nous fascinait comme si elle amenait presque à la conscience un souvenir très profondément enfoui. Camille poussa un étrange soupir et me regarda.

Douglas Makoid (continuant sa tirade) : Alors que je filais après avoir réussi à leur chiper la pierre, deux bagnoles me rattrapèrent accompagnées, tiens-toi bien, d'un hélico. J'ai réussi à m'en tirer sans trop de dommages si ce n'est une balle dans le bras. Enfin ça va, elle m'a juste éraflé. Arrivé à Marseille, je fais un rêve mortel, tu te souviens je t'en avais parlé : le contrôle du rêve. Bref l'Organisation maîtrise la technique et ils ont bien failli m'avoir. Bauhaus m'envoie de l'aide, mais ce pauvre gars se fait buter par d'autres sbires. Ils me chopent en un éclair et me droguent. Le lendemain, je me réveille ficelé dans un débarras. Chance monstrueuse, j'arrive à m'échapper. Le Flying Dutchman m'apprend que l'Organisation a retrouvé ta trace et qu'ils vont te pincer pour me forcer à leur rendre la pierre. Je file à Monaco et arrive juste à temps.

Camille K : Je t'en pris, je me serais bien passé de tes petits ennuis ducon ! J'avais réussi à calmer le jeu. Maintenant avec tes little casses de gangster américain tu me fous dans la merde. Il faut absolument se barrer de Monaco, je ne pourrai même pas dire au-revoir à…

Camille s'arrêta de parler ne voulant pas en dire plus. Elle regardait la pierre, les yeux brillant un peu. Elle me tendit le buzz. Bon, une latte et je dors.

Camille K : Et bien, je te laisse le canapé, bonne nuit. Demain je te réveille tôt, OK ?

Camille ôta pantalon et bustier seyants puis passa un petit déshabillé au tissu léger, se coula dans le lit et me lança une couverture avec un air délibérément amusé.

Douglas Makoid : Au fait, le violeur, tu l'as tué.

Camille K : Il ne m'a pas violé mais comme ça il a quand même prit son pied. La Grande Mort au lieu de la Petite. (pause) Tu sais c'est bizarre mais pendant qu'il baissait son futale j'ai cru que sa bite était squameuse. J'te jure que c'était infect.

Douglas Makoid : J'ai vu ce qu'il en restait et c'était de la peau tout ce qu'il y a de plus normal. Je crois que ces mecs sont loin d'être clairs tout comme la boîte qui les emploie. Ils boivent deux tasses d'un thé qui m'a défoncé en deux gorgés…

Camille K : Stop ! J'ai mon compte. Demain on file. Dors efficacement p'tit gars.

Plongée immédiate dans le sommeil, Douglas Makoid n'a pas le temps de dire ouf. Étrange paix bien venue. Douglas Makoid s'aperçoit que Camille K est blottie contre lui.

Enlacés, se reposant,

les mains néanmoins commencent à glisser…

Légèreté & Lumière

Flottements ondoyants

Douceur…

Attendez, c'est quoi ce bruit ? S'il te plaît Camille, arrêtes, t'entends, on dirait un grondement.

Venu d'on ne sais-où, une grosse bagnole noire déboule en crissant

Camille K a disparu.

De grands éléments noirs filent et s'imbriquent en sifflant. Un décor se construit. Une rue aux façades décharnées. Vacarmes fracassant. Les vitres volent en éclats tout comme le rêve.

Climax

Une douleur vive me réveilla en sursaut.

Tenues commando

Trois silhouettes à l'abordage font irruption dans la chambre entourées de centaines de débris vitrés.

Rangers percutant la moquette

Une flèche de verre s'était fichée dans la narine laissant couler un filet de sang.

Goût métallique dans la bouche

Je fis un bond hors du canapé. Camille hurla.

Armes automatiques

J'étais à poil : je dors mal avec des vêtements. Nos invités surprise venaient de se projeter, en s'agrippant à des filins, à travers les vitres de la suite. Bordel y'avait du verre partout. Mon corps prit l'initiative, envahi par l'Esprit. Ma conscience perçut les moindres détails de la situation. Le premier d'entre eux lâcha une rafale me dessinant une auréole de trous fumants dans le plâtre de la cloison.

Le second se tourna vers Camille l'arme prête à tuer. J'attrapai le bout de verre me décorant le nez et lui lançai avec une farouche détermination.

Épine affûtée perforant une main gantée

Surpris par un éclair de douleur, l'exécuteur de Camille eut un mouvement de bras nerveux. Son doigt appuya sur la gâchette du pistolet mitrailleur.

Jet de balles balayant l'appartement chaotiquement

Bond en avant, pied se plaçant astucieusement pour rebondir et percuter celui que je venais de blesser. Cri rauque accompagnant la chute du troisième larron visiblement touché par la rafale de son comparse.

Camille K tenant un revolver

Horrible craquement sec accompagnant le coup sur la nuque que prit mon malheureux adversaire en percutant la table basse.

Camille K qui s'en sert

La balle fusa à deux doigts de mon crâne. Sifflement et schtouc sourd. Le premier type s'écroule sur moi.

Poc ! Casque heurtant une chevelure blonde

Douglas Makoid : Aargh !

Je me pris un coup de boule qui acheva brutalement l'affrontement. C'est pas un cadeau ces casques. Je m'extirpais de la mêlée, Camille était à genou, sur le lit, tenant son arme à bout de bras. Il s'était passé, allez… quatre secondes depuis notre réveil. Notre vitesse de réaction nous avait sauvé la vie.

Douglas Makoid : C'est le deuxième que tu butes ce soir. C'est une habitude chez toi ?

Camille K (crachant presque) : Non ! Seulement quand tu m'accompagnes, et là je m'en ferai bien un troisième, tu vois.

Elle baissa quand même son revolver en me regardant bizarrement. Bon OK, j'étais toujours aussi nu qu'un ver. Un bruit sourd, venant de la porte, elle s'ouvre à la volée ne tenant pas compte du do not disturb. Je saisis Camille par le bras et nous nous ruâmes vers la terrasse.

Éclat de verre se fichant dans le pied

Derrière nous, une poignée de types du même acabit fait irruption dans la pièce. Nous grimpons sur le rebord. Coup d'œil à l'étage du dessous : une autre terrasse aux fleurs colorées. Nous sautons.

Et atterrissons, en hurlant un coup pour ma part.

Éclat s'enfonçant plus profondément

Camille se retourna vers la porte fenêtre, j'en fis autant. Dans le lit, derrière, deux bellâtres imberbes, le visage reflétant la terreur la plus pure, se tiennent l'un l'autre en tremblant. Une jeune fille aussi peu vêtue que moi est tétanisée dans la salle de bain. À ses pieds un saumon frétillant se débat. Renonçant à percer le secret de leurs ébats, nous entrâmes et traversâmes la suite aussi vite que possible. Déjà, des pieds bottés venaient s'écraser à notre suite. Sanglots gémissant et j'ai peur, j'ai peur dans le lit. Quant à nous, nous sommes déjà partis.

Cavalcade boitillante dans les couloirs, ascenseur ouvert, on tente le coup. Les portes se ferment en chuintant, musique douceâtre, un tantinet écœurante. Non, c'est pas vrai, on s'arrête à l'étage du dessous. Une dondon au visage dégoulinant de maquillage, aux épaules recouvertes d'un truc en plume nous fixa d'un regard hagard. Les miroirs de l'ascenseur lui offrirent mon anatomie sous plusieurs angles. Camille ne put s'empêcher de pouffer de rire. Les portes se referment. Elle n'a pas osé monter.

Sous-sol, parking. Nous nous précipitâmes entre les rangées de voitures nimbées de néons verdâtres. Pratique de courir dans ma tenue, avec un bout de verre dans le pied. Mes testicules se coincèrent entre les jambes tandis que Camille me poussait dans la voiture. Des phares s'allument, des voitures démarrent, vous avez gagné, elles sont noires.

Camille K : Tu conduis. Pas assez l'habitude de ta foutue caisse. Tire-nous de là.

Je tournai la clé, fit hurler le moteur et passai la marche arrière.

Toujours le même éclat, cette fois-ci raclant la pédale

Mal aux couilles, mal aux pieds, mal partout. Une berline hurlait dans l'allée. Elle va essayer de m'enfermer avant que je n'aie le temps de démarrer. Regard dans le rétro, ça va être serré.

Roues patinantes sur le sol lisse

Ça y est la Tsunami accroche la route. Nous démarrâmes en trombe dans une poussière de gomme brûlée.

Mains manipulant le volant

Le compte-tours s'affole, la Tsunami gémit. Emporté par l'élan, le quart de tour se transforma en demi-tour. La berline allait nous frapper de plein fouet. Au dernier moment : coup de frein, dérapage contrôlé, elle se range à nos côtés. Gestes nerveux sur le levier de vitesse, je passai la première,

Vitre teintée se baissant électriquement…

…Pour laisser apparaître une arme à feu évidemment

Et partis à fond la caisse. Atmosphère de videogame, compte à rebours enclenché. Ne tenant pas vraiment compte des indications de circulation peintes sur le sol, je tentais de gagner la sortie. Virage mal négocié, l'arrière de la Tsunami percuta une vieille conduite américaine.

5

Phares fuselés se fendillant

Camille poussa un cri nerveux, j'aperçus le revolver dans sa main. Rafales cinglantes, la berline nous prend pour cible. Sparking parking, on va finir par se faire toucher. La barrière est au bout de l'allée, c'est pas le moment de se déconcentrer. La seconde voiture se précipitait elle aussi vers la sortie depuis une allée perpendiculaire. Il va falloir faire vite. J'accélérais à fond, quelle folie, la barrière va nous arrêter.

„4

La lumière tout à coup s'éteint. Nos mitraillants poursuivants ont du toucher le circuit électrique.

Catadioptres clignant sous les phares
ƒ
3

Mon esprit est rivé sur la sortie, les ennemis se rapprochent. Tâches de lumière explosant dans la vision, impression d'hallucination. Une lueur d'un vert sale sourdait des murs et des piliers. La sortie tremblota comme si elle s'éloignait.
‚
2

Mais que se passait-il ? Le parking tout entier semblait être le cadre d'une bien étrange manifestation. Cette horrible lumière verte coulait dans l'air depuis des centaines d'endroits.

Pseudopodes menaçant sur fond de murs dansants

1

Nous allons nous faire prendre en étau, le choc est imminent. Ma gorge émit un son rauque et continu, fixant mon attention sur la barrière. Le visage de Camille était traversé par l'étrange luminosité qui tentait de nous avaler. Elle lança une note à son tour créant une puissante harmonique. C'est ASA qui agit, nous incitant mentalement à produire cette onde. Je le sentais derrière mon esprit.

As Soon As : Confiance, Doglas. Fixe toi sur la route, je m'occupe d'ouvrir le passage.

€0!

Nous atteignîmes la sortie, je pilotais par la pensée. La barrière se leva, l'avant de la seconde berline nous tamponna. Choc violent, les mains tiennent bon sur le volant. Camille se cogna contre moi. Je rétablis la direction et quittai le parking infernal sous une pluie de débris de métal.

Cut.

Non pas encore, les deux poursuivants sont projetés à notre suite par une masse de filaments. Nous continuons la poursuite implacable dans un Monte-Carlo matinal.

Douglas Makoid : Camille, guide-moi.

C'était la première fois que je mettais les pieds à Monaco et une course-poursuite n'est pas le meilleur moyen de découvrir une ville. Je suivais les instructions de mon copilote, talonné par deux voitures déterminées.

Ville pleine d'activité, camions en train de décharger

Ils sont en train d'installer le circuit pour le grand prix ! Il faut sortir du centre à tout prix. Virage et dérapage, nous mettons en fuite les mécanos. Nous fracassâmes quelques palissades et prîment de la vitesse sur le boulevard du Larvotto. La voie dégagée, suivis par nos ennemis. Camille ouvrit la fenêtre et se pencha, les cheveux tourbillonnants, ajustant son revolver. ASA, sur la petite banquette arrière, était allongé, les yeux fermés. Coup de feu assourdissant suivi d'un sifflement.

Pneu épais éclatant subitement

Le rétro me montra le premier de nos poursuivants tanguant dangereusement. Des lamelles de caoutchouc claquantes s'éjectaient de la roue avant. La voiture blessée fit une embardée et rebondit spectaculairement vers une façade ancienne.

Choc, éclats de pierre fusant sur la carrosserie pliée

Je gueulais un coup. Une formule 1 fonçait vers nous, ailerons baissés. Aussi abasourdi que moi, le pilote effectua une série de mouvements nerveux afin de m'éviter. Au dernier moment, je donnai un violent coup de volant. La formule 1 nous rasa en sifflant, casque bariolé, combinaison ignifugée.

Klaxon : Dddddaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !

Collision de front. La formule 1 se démantibule et s'envole. La berline part en tonneaux et destroy un lampadaire. Des flammes dévorantes, nous aperçûmes le pilote, volant en main, sauter avec agilité hors des débris calcinés.

Cette fois-ci : CUT.

To be continued...

24 February 2007

 

Paint bucket 

Ça y est, Govind a sorti ses pinceaux, chaque élément est soigneusement repeint.

Le châssis en noir

le reste en blanc

18 February 2007

 

As Soon As #4 

As Soon As

Just Without a Kiss #4

#3 - #2 - #1

Je filais à toute vitesse, yeux cernés et fatigués, au volant de ma voiture de sport sur une autoroute montagneuse de la Côte d'Azur. Un vent frais s'engouffrait par la fenêtre ouverte décoiffant mes cheveux blonds. J'étais particulièrement contracté, la main gauche sur le volant tandis que la droite, ornée d'un bandage, farfouillait dans une sacoche à la recherche de cachets de caféine concentrée.

ASA mâchouillait un bout d'os synthétique aromatisé avec un plaisir évident. Il n'avait pas chômé durant mes déboires. Tissant un voile protecteur autour de la chambre d'hôtel, il avait réussi à détourner l'Organisation du lieu où je cachais la pierre. Je n'eus qu'à y faire un saut, payer une note astronomique, le décor de la chambre le laissait pressentir, pour la récupérer.

Je fonçais vers Monaco dans l'espoir d'empêcher que l'Organisation n'attrape Camille. Ainsi, c'est là qu'elle s'était planquée suite à ses déboires dont je savais peu de choses. Je ne connaissais ni son nom d'emprunt, ni son adresse et j'allai devoir rappeler le Flying Dutchman pour complément d'informations.

J'avais connu Camille lors d'une équipée sauvage dont l'heureuse issue nous fournit de généreux bénéfices. Le stress et la complicité que nous connûmes durant l'affaire transforma bien vite notre relation professionnelle en idylle passionnée. Nous formions une bonne équipe à l'efficacité redoutable quand une malheureuse coucherie mit brutalement fin à nos rapports. J'avoue que j'ai longtemps regretté d'avoir passé une nuit intense avec une de ses amies. Camille me manquait mais approcher de son périmètre après notre dernière et orageuse discussion équivalait à se faire seppuku. C'est pourquoi lorsque j'appris par Bauhaus, pour qui elle continuait à travailler, qu'elle avait des ennuis et se faisait oublier quelque part sur Terre je n'ai pas cherché à en savoir plus. Fin de la séquence petite histoire personnelle.

Les marquages au sol clignotaient avec une régularité hypnotique, comme de longues bandes blanches lancées à travers l'espace noir du film de goudron. La caféine tenait mon esprit dans une veille artificielle soudant mon corps à la voiture. ASA piquait un tranquille roupillon tandis qu'une jungle déjantée coulait depuis les enceintes pour remplir l'habitacle de ses pulsations effrénées.

Ligne blanche tressautant subitement, se démultipliant chaotiquement

Un violent coup de marteau me ramena dans la voiture, la vibration d'un message fraîchement arrivé m'avait réveillé.

Elena ?? = Camille K. rue de Vedel. Les serpents se rapprochent. Je lance une passe pour les ralentir.

Le Flying Dutchman était bien prévenant avec moi, ma facture gonflait à vue d'œil. Peut-être avait-il un mystérieux dessein en faisant tout cela. Je me rapprochais de ma destination dans un état physique pitoyable, soucieux d'éviter une confrontation de plus avec ces brutes sifflotantes.

La nuit étoilée jetait un voile piqueté sur la principauté et la lune dans le ciel. Voitures de sport, grosses cylindrées et limousines hollywoodiennes emplies de pilotes de formule 1 naturalisés, d'hommes d'affaires retraités et de flambeurs aux narines enneigées. Je garais la Tsunami entre deux de ses amies et fit le reste du chemin à pied.

Elena ?? indiquait une sonnette près d'une porte entrouverte aux contours asymétriques. La lumière allumée du hall d'entrée, provenant de globes colorés, révélait un vieil ascenseur aux ferronneries dignes de Victor Horta. Autour de la cage, s'enroulait un escalier à rampe serpentine. De grandes plantes masquaient des vitraux aux motifs fleuris encadrés de boiseries aux formes organiques. Le sol dallé évoquait des rayons de miel. J'appuyais sur le bouton d'appel, en fait l'abdomen d'une abeille. L'ascenseur descend en chuchotant. Tiens, il y a quelqu'un dedans.

Un petit homme au visage fin et ridé ouvrit la grille en me dévisageant. De grands yeux globuleux et le menton enfoui dans un chèche blanc. Il me dépassa en clopinant mais aussi, je l'aurai juré en esquissant quelques pas de danse. Derrière lui une odeur de sueur et de cigare de mauvaise qualité s'attardait. J'écrasais la tête d'une reine pour atteindre le troisième. Une ouvrière menait au premier et un bourdon au second.

Le couloir aux vasques arrondies et aux splendides tapisseries s'incurvait pour faire le tour de l'édifice. Chaque entrée enchâssée dans une alvéole. Une porte de bois sculpté était entrouverte. Décidément c'est une manie. Derrière, bien sûr, le loft de Camille. ASA se stoppa derrière moi, les oreilles aux aguets, on entendait des bruits étouffés. L'ascenseur se mit en marche.
Je me lovai lentement contre l'embrasure,

Judas déformant les traits du visage

Risquant un œil par l'ouverture. Je ne vis qu'une partie de canapé sur lequel quelques vêtements étaient jetés. Je devais me décider, les sons semblaient venir d'une pièce à côté. J'ouvris prudemment la porte pour découvrir un vestibule vide. Au fond, une arche donnait sur un living aux meubles arrondis contenant le canapé que j'ai déjà cité. L'architecture de l'appartement imitait l'intérieur d'une ruche, la loge de la reine plus précisément. Le plafond courbé se confondait avec les murs en une étrange ossature. Des petites niches abritaient fauteuils et coin télé. Une voix étouffée est coupée par une gifle.

Grille de l'ascenseur grinçant en s'ouvrant

Je me coulai le long du couloir, le corps tendu de caféine. Je reconnus la voix de Camille cracher une réplique musclée, elle était malmenée.

Pas dansants s'enfonçant dans une moquette décorée

Le dos plaqué contre le mur, je pris une dernière inspiration. ASA, les paupières closes, près de moi. Je me retournai en donnant un coup de pied. La porte s'ouvrit à la volée.

Main osseuse tenant une sacoche

Je fis irruption dans la chambre de Camille et photographiais la pièce en un regard. La chambre de la reine totalement circulaire, tout comme l'énorme lit trônant en son milieu. Les parois recouvertes de grands miroirs hexagonaux convergent jusqu'au plafond, dôme de verre laissant filtrer les constellations. La scène se reflète à l'infini dans les facettes de ce great eye :

Deux hommes, grands et baraqués au désormais inévitable costume noir s'amusaient avec Camille. L'un d'eux la maintenait ce qui était plus que nécessaire malgré qu'elle soit attachée tandis que l'autre, pantalon baissé tentait vainement d'arriver à ses fins. Camille se tordait dans tous les sens, une nuisette diaphane presque entièrement déchirée ne la couvrait qu'à peine. Son visage tendu par une expression totalement haineuse était recouvert de sa longue chevelure verte. Mon arrivée inopinée les laissèrent tous trois un instant interdit.

Le premier lâcha Camille en sifflant et porta la main à son holster. Le second, empêtré dans son pantalon se tourna vers moi et se pris un méchant coup de pied en plein dans les testicules. Ses yeux se révulsèrent tandis que sa gorge expulsait un son rauque tenant du Oumpf ! Je me lançais vers mon adversaire armé, profitant du mouvement pour projeter mon corps d'énergie de toutes mes forces sur cet abruti. Son arme n'était même pas encore dégainée lorsque je l'atteignis. Son visage se tendit sous le choc, milliers de vaisseaux explosant lui couvrant le visage d'une toile d'araignée aux fils de sang. Il s'écrasa sourdement sur un miroir se fendillant en lignes sinueuses sous la force de l'impact.

ASA aboya, je me retournai, c'est toute la pièce qui sembla pivoter, renvoyant mon image à l'infini jusqu'au point ou le reflet se fait néant. Le petit homme malingre de tout à l'heure se tenait dans l'encadrement de la porte. À ses pieds, une mallette était posée.

Image vacillante comme sous l'effet d'une chaleur intense

Je m'effondrais, submergé par le boomerang. Je vis vaguement l'homme se mettre à danser lentement au rythme d'une musique que lui seul entendait. Il prépare quelque chose. Je sentis monter son énergie, il allait me tuer d'un coup. Ses bras sculptaient de la lumière. ASA était tapi dans un coin.

Douglas Makoid : Cette fois, je crois bien que c'est la fin.

Fondu enchaîné.

Après avoir réussi à neutraliser mes agresseurs, je tentais laborieusement de rester conscient. Les extrémités de mon champ de vision étaient dévorées par un noir opaque gagnant toujours plus de terrain. J'étais à bout. J'entendais l'écho déformé des paroles rapides de Camille, ne comprenant pas un mot. ASA m'avait quitté pour, je crois, grimper sur le lit. Je me pris une gifle à la volée.

Camille K (hurlant) : Connard !

Le choc me remis d'aplomb d'un seul coup, le néant visuel s'éparpilla. Je tournai mon visage endolori du côté du lit. Camille me surplombait en contre-plongée retournée, visiblement très en colère. Les cheveux emmêlés, les seins agités par de nerveux soubresauts. Elle se tenait au-dessus de moi, presque entièrement nue, le visage empli d'une farouche détermination. J'allai en prendre plein la gueule.

Elle se jeta sur moi me martelant frénétiquement de ses petits poings serrés excessivement efficaces. J'étais aux prises avec une boule d'énergie en furie.

Camille K (hurlant de plus belle) : Connard ! Connard ! Connard !

Douglas Makoid (voix entrecoupée) : PAM Camille… Ca PAM mille… Cami PAM lle…

ASA agissait derrière, nous inondant de calme, refroidissant peu à peu son ardeur. Je continuais à la serrer tandis qu'elle persistait à s'agiter pour me frapper. Son corps était brûlant, lové contre moi.

Douceur et parfum revenant douloureusement

Je desserrais mon étreinte, les sens submergés de souvenirs intenses, petits détails oubliés comme ce joli grain de beauté attirant malicieusement l'œil sur la naissance de sa poitrine. Je ne pouvais continuer à la tenir sans souffrir. Je me tournais sur le flanc. Camille essoufflée me regardait.

Camille K : Qu'est-ce qui se passe ? Qui sont ces types ? (geste de la main désignant les trois corps) Qu'est-ce que tu fous là ?

Les yeux perdus dans le vague, plissant le front pour rester conscient, je sentais inexorablement les larmes monter. Ah, Camille, te revoir m'anéantit.

Douglas Makoid (reprenant son souffle) : C'est la merde, Bauhaus m'a envoyé piquer une sorte de pierre à l'Organisation, une boîte pas catholique qu'il a de toute évidence largement sous-estimé. Depuis, j'en prends plein la tête.

Camille K : Oui, t'es pas le seul p'tit gars.

J'avais ce sobriquet en horreur mais le moment étais mal choisi pour le faire remarquer.

Camille K (continuant sa réplique) : Ces mecs on fait irruption chez moi sans que je les entende et j'étais dans le living ! L'espèce de momie a fait trois gestes et l'instant d'après, j'étais ficelée sur le pieu avec cet enculé qui voulait me sauter. T'as intérêt à trouver de bonnes excuses sinon je te bute et ton clébard de merde avec.

ASA me jeta un regard interloqué.

Douglas Makoid : écoute Camille, je vais te dire tout ce que je sais mais laisse moi souffler un peu, ça fait 48 h que je les ai aux fesses.

Camille K : OK mais faut pas traîner, je suis sûre que leurs amis vont chercher à se joindre à la fête. Je te fais un jus de fruits maison. Toi ficelle les bien et téléphone au Flying Dutchman, tu fricotes toujours avec ? Gros richard. Il nous débarrassera d'eux.

Camille se leva,

Nuisette glissant à terre en murmurant

Et quitta la pièce sans chercher le moins du monde à cacher son corps nu, les éclats argentés de ses multiples piercings jetant de fugitifs feux lumineux dans l'infinité des reflets. Sa chevelure encore plus longue et de nouveaux anneaux. Je retrouvais une Camille renouvelée.

Couteau tranchant séparant les deux moitiés d'une orange

Le violeur était mort, Camille avait sûrement cogné trop fort, les organes génitaux dans un sale état. Les deux autres amochés vivaient cependant.

Pincée d'épices assombrissant la mixture

Tout était flou, comment cela c'était-il fini ? Je me souvenais vaguement d'une forme lumineuse frémissant devant le danseur mystique. Ensuite, Camille et sa gifle. Et ASA, encore lui ? Il a du réagir au quart de tour comme toujours, élaborant sûrement une protection ou même une sorte de trampoline d'énergie renvoyant la boule à son lanceur. Je les attachais ensemble.

Cuillère battant énergiquement un liquide moussant

Je rejoignis Camille dans la cuisine aux meubles en rayons de miel. Toujours nue, elle me tendit un verre rempli d'un de ses cocktails dynamités qui vous requinquaient et vous désaltéraient.

Douglas Makoid : Merci Camille.

Camille K : Oh, ça va. Bois doucement, sinon tu vas t'étrangler ! Je vais m'habiller en vitesse et on se casse.

Douglas Makoid : Il faut que je dorme, regarde la gueule que j'ai.

Camille K : Pas brillant, c'est sûr. À quoi tu te shootes en ce moment ? (fixant mon visage dépité avec une moue amusée des plus craquantes) Ça va, fais pas cette tête, on va prendre un hôtel pour finir la nuit. Demain on se casse direct. Entre deux j'ai mon explication. Ton cleps nous protégera avec un de ses trucs.

J'acquiesçais tandis qu'elle me dépassait avec un aplomb éliminant toute pudeur. Elle savait bien que je bloquais sur son corps magnifique, elle connaissait trop mes appétits pour l'ignorer et cette machiavélique perfection féminine se jouait de moi ne se cachant pas pour mieux me signifier son inaccessibilité.

To be continued...

11 February 2007

 

As Soon As #3 

As Soon As

Just Without a Kiss #3

#2 - #1

Plic - Plic - Plic - Plic

Je repris lentement conscience, le corps anesthésié, douloureux.

Immobilisé par des liens serrés, la circulation coupée.

Je me trouvai dans un réduit encombré de planches et de caisses en bois.

Un robinet au joint usé pliquant régulièrement

Mes ravisseurs m'avaient jeté là, me laissant KO, dans une position inconfortable. La tête de guingois, les cervicales chauffées à blanc.

La lumière filtrée par une lucarne indiquant le crépuscule débutant

Bon, j'étais toujours vivant, signe que mes ravisseurs n'avaient certainement pas mis la main sur la pierre. Il fallait bien sûr que je m'évade. Ces rustres m'avaient ligoté comme des sagouins et il me fallut un certain temps avant de réussir à m'installer dans une position plus confortable.

Membres fourmillant en manque de sang

La lumière commença à se faire rare tandis que je commençai à en avoir marre. Retournez donc au début de l'histoire pour revoir mon air béa d'hier soir. Je soupçonne que cette avalanche d'événements catastrophiques ne soit liée au fait que vous lisiez ces lignes.

J'utilisais une vieille technique pour me défaire de mes fers et contractais mes muscles en à-coups successifs espérant ainsi détendre peu à peu les nœuds. La douleur m'aurait fait hurler.

Entraves mordant la chair tuméfiée

Je dus bien vite arrêter cette cruelle gymnastique qui non seulement ne donnait rien mais qui en plus me faisait souffrir le martyr. Il n'y a que dans les films que des trucs pareils fonctionnent. Je creusais une cervelle tiédie par les drogues espérant me jouer de mes geôliers.

Lumières rasantes balayant la pièce ponctuellement

¿ Phares de voitures allant où ? ¿ Venant d'où ?

Des ombres mouvantes se stoppèrent derrière la lucarne habillée de verre cathédrale. J'entendis des éclats de voix se confondant avec le chant urbain. De l'arabe ? Ça chauffait ! Ce qui me rappela la précarité de ma situation. Les ombres bougèrent, je ne devinais qu'une paire de jambes.

Un coup de feu. Verre explosant en éclats acérés volant dans la pièce en formation serré. Je plongeais et me cognais avec un bruit mat contre l'arête d'une caisse.

Cloches sonnant à la volée

Douglas Makoid (choqué) : ¡ Putain !

Vision s'emplissant des petites étoiles colorées d'Hergé

Je portai précipitamment la main vers mon front ecchymosé oubliant momentanément que j'étais ligoté. Je basculais et me coupai la joue contre un éclat de verre traînant là nonchalamment.

Douglas Makoid (franchement très énervé) : ¡ PUTAIN !

Stoppant tout mouvement, j'attendis qu'un poids de cinq tonnes me tombe dessus. Ma patience ne fut cependant guère récompensée tandis que je gisais saignant, encore à moitié défoncé par le thé. Je sentis soudainement, comme si j'en prenais conscience à l'instant, qu'un morceau de verre me perforait la paume de la main. Je réussis à l'attraper et à trancher mes liens dans la plus grande tradition des séries télé.

J'escaladais une caisse afin d'atteindre la lucarne.

Corps gisant sur l'asphalte

Une flaque de sang s'étendait autour de l'abdomen et allait bientôt goutter par l'ouverture. Je grimpais sur le trottoir pour découvrir le cadavre de mon émir. Je ne saurais jamais les raisons de son trépas mais j'eus une pensée pour cet être dont la vie venait de se terminer. Je me souvins de Deckard, l'heureux anxieux qui quitta la scène à cause de moi… et de Bauhaus. Des jours comme ça vous donnent envie de tout plaquer. Merde à la fin, à quoi sert tout ce tintouin ?

Soucieux d'éviter que le carnage ne continu, j'étudiai le moyen de sauver ce qu'il me restait de vie. Je m'engouffrais dans la rue en clopinant. Avisant une moto, je montais dessus sans réfléchir, trifouillais quatre fils et démarrais.

La petite rue calme aux assassinats sauvages débouchait sur le champ de courses que je longeais en ce début de soirée. Je regagnais le centre en empruntant les grands axes plutôt que de petites rues labyrinthiques. Le Prado, effervescence d'une foule de supporters aux couleurs de schtroumpfs vibrant aux exploits de dribbleurs adulés. Castellane, Marseillais affairés marchant au milieu de jeunes couples enlacés. Et le Cours Belsunce, vie nocturne riche et parfumée venant d'un Maghreb magnifié. L'air frais étonnamment peu pollué me lavait la tête des dernières vagues de thé drogué. Je surveillais tout ce qui ressemblait à des berlines noires allemandes et blindées.

Je ne pouvais me risquer à l'hôtel sans en savoir plus. La facilité qu'ils ont montrée pour me pincer avait refroidi mes ardeurs. Il me fallait l'aide du Flying Dutchman. Une femme à l'air pincé sorti d'une cabine tandis que je descendais de la moto, japonaise comme je m'en aperçus. Joli visage, dommage qu'elle le masque de cette expression de sévérité empruntée. Un parfum capiteux made in Paris s'attardait dans l'espace clos de la cabine gravée de coups de couteaux. Je sortis une carte de téléphone pirate, unique moyen de joindre mon mystérieux interlocuteur. La tonalité est remplacée par une petite musique aux guitares éthérées. Ça décroche.

Flying Dutchman (en néerlandais, voix d'une suavité extrême) : Bonjour Douglas, Marseille est une ville charmante quoique dangereuse, pour ceux qui fricotent avec l'Organisation, en cette saison.

Douglas Makoid (en néerlandais) : Bonjour Flying Dutchman, qu'est-ce que tu peux faire pour moi ?

Flying Dutchman : Tu as peu de temps devant toi, ils viennent de découvrir ton escapade. Petit filou, tu ne tiens pas en place. Cette fois, j'en suis sûr, tu te demandes où Bauhaus a bien pu fourrer son nez. Les réponses viendront en temps et en heure si tu suis mes petits conseils and stay alive. ¿ Comment va Camille ?

Douglas Makoid : ¡ Camille ! Ça fait une éternité que je ne la vois plus.

Flying Dutchman : Je sais, t'es incapable de rester avec une fille plus de trois jours. Enfin, passons sur tes frasques amoureuses. Grâce à tes exploits, elle risque de se faire cuisiner par l'Organisation qui vient de retrouver sa trace.

Douglas Makoid : Merde, mais quel rapport avec moi ? Ça fait bien deux ans maintenant.

Flying Dutchman : Te faire chanter et te forcer à rendre la petite merveille que tu as hâtivement empruntée.

Tandis que je jouais nerveusement avec le cordon métallique du combiné, je vis un grand type baraqué, costume noir, lunettes noires (ça vous étonne ?) se frayer un chemin dans la foule épaisse droit vers ma cabine.

Douglas Makoid : Flying Dutchman, vite, je vais être repéré !

Flying Dutchman (Suave) : Du calme Douglas, tu sais que je n'aime pas me hâter. Savoure l'adrénaline inondant les cellules de ton corps. Ton cœur résonne dans la poitrine et tu crois chanceler à chaque battement. Ton estomac se noue, mais c'est délicieux. Sens la Vie qui coule en toi. Seule les sensations extrêmes t'apportent cette intensité.

Douglas Makoid (braillant légèrement) : Magnes-toi please, ils ont trouvé ma chambre ?

Flying Dutchman (amusé) : Non, ton chien y a veillé. Cours récupérer la pierre et files à Monaco prévenir Camille. Quittes le Cours Belsunce, laisses la moto, trop voyant, prends la rue des Fabres et rejoins la Canebière. Ton hôtel est juste à côté.

Je raccrochais précipitamment sans prendre le temps de finir élégamment la conversation. Le Mec En Noir était presque sur moi et la cabine n'allait plus m'abriter bien longtemps. Je sortis discrètement.

Mec En Noir (d'un ton autoritaire) : Monssieur Makouad, ne faites pas un pas de pluss.

Je partis à vive allure, naviguant dans le flot de gens, évitant les échoppes et les fumeurs de narguilé tranquillement installés en terrasse. En jetant un œil sur mon poursuivant, je vis que ce dernier était aux prises avec quelques personnages énervés qui lui bloquaient le passage. J'entendis quelques interjections sifflantes couvertes par des hey, m'sieur venimeux.

Je crois que personne ne saura jamais comment fait le Flying Dutchman pour servir ses clients. Mais je sais que c'est lui qui avait envoyé ces gars contre l'homme de main de mes nouveaux ennemis. Le service qu'il me rendait allait faire un trou significatif dans mes finances.

J'empruntai l'itinéraire cité plus haut et qui semblait n'avoir pour but que de me faire effectuer un détour. Quand pourrai-je dormir ? Pas avant mon arrivée à Monaco et l'inévitable scène avec Camille.

Fondu au noir.

To be continued...

05 February 2007

 

Au garage 

Alors, j'ai emmené l'Enfield de mon frère faire un petit servicing. Après un coup d'œil rapide, Govind me dit qu'il faudrait nettoyer un peu tout ça. Je réponds, tout en me cramant la langue d'une gorgée de chai, que c'est OK.

Je repasse le lendemain, effaré de trouver la bécane complétement démontée. Un chai brûlant dans la main, j'inspecte l'étendue des dégats.

Trois jours plus tard, j'écoute les interminables explications de Govind en posant ma tasse sur le rebord du bureau. Look at this, siiiir! Il me montre un bout de ferraille dont le taux de rouille provoque en mon esprit l'irruption d'une photo du Titanic vue dans le National Geographic quelques années auparavant.

La semaine suivante, j'arrive chez Govind plein d'entrain à l'idée de trouver la moto prête à gronder ses 350cc dans l'allée encombrée. Je constate désolé que le châssis traîne au beau milieu de l'échoppe. J'attends Govind en sirotant un chai bouillant, mais il ne vient pas.

Le lendemain, je constate que Govind introduit le ready-made en Inde en voulant exhiber le moteur au National Museum. But siiiiir, I told you, this bike Karol Bagh, very old. Il pointe d'un doigt vengeur un quelconque bout de métal pour étayer ses dires. Who did this job, siiiiir? J'allais répondre un truc banal quand le bhaya me tendit un chai fumant.

Le soir même, je m'aperçois qu'une Enfield se démonte bien plus que je ne l'imaginais, gisant là, un bloc au rôle mystérieux exhibe ses mécanismes broyés par l'usure et les mauvaises maintenances. Je médite sur la nature de l'univers en attendant que le chai refroidisse et que Govind n'est terminé son rapport. The more I open, siiiiiir, the more I found. Very bad. Listen to me siiiiiir, i do one year warrantie job. Siiiiir, my workshop, sit please! Je sais qu'il va demander de l'argent. I do full job, siiiiir. A to Z job. Je me mets à penser à certains sketchs des Dingodossiers.

La fois d'après, je ne suis guère étonné de trouver que la moto ressemble de plus en plus à un fossile de dinosaure récemment découvert. Les archéologues aiment-ils le chai?

Le même jour, dans un autre coin de l'échoppe, on reconnait la vieille chaussette de mon frangin.

Des rondelles, des tiges, des pièces couvertes de graisse, tout comme la couche irisée à la surface de mon chai.

Enfin, les premiers signes d'une amélioration prochaine. Les pièces commencent à être réassemblée avec soin dans l'espèce de fait-tout qu'on visse au milieu de la moto, entre la selle et le moteur.

04 February 2007

 

As Soon As #2 

As Soon As

Just Without a Kiss #2

#1

Les lumières s'allument sur la ville ancienne et même millénaire. Derniers reflets orangés tandis que le crépuscule se termine. La mer encore nimbée de l'or rougeâtre du soleil couchant se confond avec le sang. Blood et tempes lourdes. J'ai envie de me reposer mais j'ai encore des tas de trucs à régler.

Je m'étais brièvement arrêté à l'ombre d'un petit sentier afin de bander ma plaie. Sans gravité, je n'ai été qu'éraflé.

Je suis naze, les nerfs fondus par le flux intense de la substance,

Trip qui se termine sur des relents gastriques acides,

Et la douleur dans le bras.

Un employé affable me conduisit jusqu'à la suite. Très affectueux avec ASA qui amusé joua le jeu. La chambre est parfaite avec accès au net. Mobilier design, lampe fusée aux bulles de cire rouge globulant lentement, grandes affiches emplies de planètes et de galaxies, système stéréo haute-fidélité murmurant quelque trance hypnotique, vue touriste sur le Vieux-Port et l'inévitable Notre-Dame de la Garde. La salle de bain carrelée est psychédélique à souhait. Brosse à dent profilée comme une fusée, serviettes moelleuses aux étoiles luminescentes sous la lumière noire, des motifs de science-fiction tracés à la ligne claire évoquent un pulp des années 50. La douche, sas de décompression aux formes molles, fait glisser les scories et me revivifie. S'occuper de la plaie recouverte d'une croûte coagulée au vermillon profond. Bande de gaze imbibée de baume indien à l'odeur de calendula. Confortablement drapé d'un peignoir épais, je commandais nonchalamment une collation à un employé dur d'oreille. Le groom amena les mets demandés si ce n'est un milk-shake à la fraise remplaçant le jus de tomate.

J'enfilais une veste queue de pie vert pomme sur pantalon rayé bien ajusté masquant de vieilles bottes jaunes usées avant de sortir en arrangeant le jabot dentelé d'une chemise de soie. Odeur de kebab au monoxyde de carbone, j'avisais un téléphone sachant déjà comment Bauhaus allait réagir : très inquiet.

Douglas Makoid : ¿ Capitaine Red ? Peter Pan à l'appareil. Je rejoins le bateau mais avant, je dois semer quelques alligators. Je ne sais pas quand le brouillard se lèvera sur la crique. Si le soleil tarde à se pointer, j'aurai besoin de m'abriter. Le perroquet est apprivoisé. Salut !

Un répondeur anonyme dans un appartement vide transmettant via modem le message vers un mail sécurisé que seul Bauhaus connaît

Nouveau coup de fil. London.

Répondeur : Sorry, I'm not here ! Beep.

Terry est le mec, parmi mes connaissances, le plus difficile à joindre.

Douglas Makoid (enjoué et riant) : Eh mate ! Happy Birthday ! Je suis désolé de ne pouvoir venir te faire une baise but you know the story, deux playmates assoiffées n'ont que moi pour se désaltérer. Je ne peux, you'll certainly understand, décommander. Allez, c'est toi qu'j'aime, ma drag-queen de Haarlem ! Kiss, ne soit pas timide ! Dougie.

Retour à l'hôtel, clope et repos. Douglas Makoid s'assoupis.

Image rémanente se déformant. Pupilles saturées de phosphènes bleutés. D'informes formes glissent sans répit derrière les paupières alourdies. Peu à peu, le bindi se focalise. Les motifs se brisent tout à coup pour former des milliers de patterns s'agençant sans cesse en de nouvelles combinaisons désormais interprétables par l'esprit.

Un loop d'images saccadées n'en finit pas de recommencer rejouant sempiternellement la même scène.

Un pneu crisse dans le gravier. Trois bolides sont lancés. Un cigarillo coincé entre les dents d'un visage au rictus de cinglé. Le reflet doré sur le canon d'une arme bleutée. Des virages se succèdent, vitesse effrénée,

en caméra embarquée

Chaque fois plus speed, chaque fois plus violent, le loop subit boucles après boucles de subtils changements.

Maintenant,

deux énormes panthères de métal noir galopent en grondant

Puis,

une guêpe aux ailes acérées lançant des aiguillons d'argent

Le cigarillo mâché par des crocs.

Les images s'étirent en d'impossibles morphing, lumière aveuglante. Imminence de la mort…

Le cœur se retourne quand la vitesse s'inverse. décélération brutale et fuite supraluminique. Douglas Makoid quitte le rêve.

Tâches de couleurs explosant en flashs stroboscopiques. Sensation de chute et choc en revenant dans mon corps. La vision tout d'abord envahie de petits carreaux noir & blanc se reconstruit en fondu enchaîné.

Je repris mes esprits en vacillant, le sol se déroba sous mes pieds. Joue plaquée sur un tapis épais. Le pied chromé de la table basse se dédoubla un instant spasmodiquement. ASA me fait une lèche. Ce sacré animal aux pouvoirs spirituels était venu jusqu'à moi en maîtrisant son corps de rêve. Ensuite, pour un chien aussi doué, rien de plus facile que de me ramener. J'allai devoir lui offrir un os de dinosaure pour le remercier de m'avoir sauvé la vie. Remarquez, vous pouvez, vous aussi, le remercier car sans lui - et comme c'est moi qui écrit - l'histoire serait finie.

Maintenant, je devais m'atteler sans plus tarder à une nouvelle tâche : tenter de rester en vie. Si l'Organisation a réussi à m'accrocher tandis que je rêvais, c'est qu'elle est bien plus dangereuse que Bauhaus ne le pensait. Sans ASA, s'en était fait de moi. Par contre, aucun doute, je suis repéré.

Réception d'un message.

OK Pete. Je t'attends pour lever l'ancre. En cas de mauvais temps je connais un vendeur de parapluie : 2134-9687

Douglas Makoid sort dans la nuit tiède de Marseille, rues sinueuses aux mille fragrances de haschisch épicé emplies de rythmes lointains couleurs vert jaune rouge. Il se perd un peu, hésite devant makrouts et zlabias mais renonce aux suaves pâtisseries. Ah ! Une cabine para telefonar. Un émir très énervé braille en arabe avant de raccrocher à s'en casser le poignet. Son costume se prend dans la porte et se déchire en un Ziiip ! sonore. Jurons visiblement très grossiers et regard assassin se reflétant dans les verres miroirs de Douglas Makoid impassible.

La cabine est taguée, quinze sonneries avant de décrocher. Une voix rauque et chuchotante me fixa un RdV de manière mécanique. Pas le temps de parler, il m'a raccroché au nez. J'errais un peu avant de trouver ce qu'il a dit être un bar typique et poussais la porte d'un bon vieux bistrot à l'odeur rance, mélange de bière et de tabac.

Le patron règne derrière le comptoir imitation bois. Chemise blanche un peu fatiguée aux manches relevées révélant des avant-bras poilus. Tatouage, la double croix de l'OctoChrist, bizarre. Un visage empâté à la moustache garnie rehausse le crâne dégarni. Ses gestes sont lents mais précis, le petit coup de poignet calculé pour qu'aucune goutte ne vienne maculer son vieux tablier. Cet homme est capable de servir une pression sans que ses yeux ne quittent l'écran télé. Faculté certainement acquise lors de la retransmission de matchs de foot ou simplement en regardant les Yeux du Stade.

Pratiquant mon propre sport de manière intensive, le gentleman cambrioling, je consacrais peu de temps à suivre des parties de ballons ou des concours à qui sautera le plus haut, le plus loin, le plus fort, le plus sponsor bref le plus sport. Néanmoins, je savais que l'équipe de foot de Marseille cassait la baraque depuis environ dix ans, raflant coupes après championnats. Un business man, au porte-monnaie gonflé, passionné par ce sport avait repris le club en main et depuis c'était le succès. Le plus marrant, c'est que les joueurs portent son nom sur les maillots, la presse les a vite surnommé les pantouflards, ce qui irrite le président, Bernard Pantoufle.

Je m'installai sur une banquette, patinée par des milliers de fessiers, en skaï bordeaux.

Un ventilateur brassant mollement l'air épais

Ce soir, heureusement, pas de match passionnant et l'ambiance était calme, peut-être même morose.

Les néons verts de l'enseigne soulignant par intermittence une publicité pour une boisson cacaotée au nom évocateur de ChocChoco

Le cendrier se remplit, la tasse de café est vide et oubliée. Seule la télé semble vivre. Je regardai Raimu en César ému devant une Demazis jouant Fanny. Une pellicule noir & blanc fixant sans artifices des personnages interprétés par des acteurs magiciens.

Ça y est, le type fait son entrée. Il tenait un parapluie évidemment, et se dirigea droit vers moi.

Le type : Tu viens Pete.

Vieux jean fatigué et main jouant avec des clés, il m'offrit un sourire engageant. Je me levai,

La banquette gardant un instant le souvenir des formes de son occupant

Nous quittâmes le sympathique troquet, il n'était pas bavard et eut l'air soudain soucieux. Dehors, il marchait rapidement, traversant en toréant avec les voitures.

Le type : On va à ma caisse et j't'emmène dans un endroit plus sympa. Au fait, appelle-moi Deckard.

Douglas Makoid : ¿ Deckard ?

Deckard : Ouais, c'est dans Blade Runner, j'suis fondu de ce mec, j'adore me faire un répliquant de temps en temps.

Méditant sur sa dernière réplique, je regardais cet étrange individu un peu speed oscillant sans cesse entre humeur joyeuse et anxieuse. Je pouvais avoir une confiance totale envers lui puisque c'est Bauhaus qui me l'a envoyé.

Je montais dans la caisse du héros de Philip K. Dick, un coupé anglais, je ne m'en étonnais pas. Vrombissements et pétarades, le coupé prend le mors mais bientôt Deckard l'apprivoise, petits coups de volant, nerveux. Laissant dans son sillage des bouffées métalliques la voiture ondula avec agilité dans le trafic indiscipliné de Marseille. Suite invraisemblable de rues étroites et escarpées entrecoupées de brèves incursions dans de vénérables boulevards du 19ème siècle. Puis, après avoir contourné un dernier consulat, la mer.

Horizon noyé de brume sombre, les mille reflets de la ville se projetant en myriades de couleurs sur cet écran mouvant. La plage est pleine de vie. Pizzaiolos magiciens sculptant la pâte tournoyante. Acrobates aux blades de caoutchouc glissant sur des bowls aux tracés travaillés couverts d'art en aérosol. Groupes de groupies métissées offrant toutes les teintes du noir d'ivoire au blanc d'ébène, le corps rehaussé de bijoux piercés se baladant pleines de rêves souriants ou parfois un peu tristes, une drapée d'une robe légère au patchwork étudié, l'autre courte vêtue d'une jupe dansante ornée d'un bustier ou même d'un soutien-gorge aux motifs étoilés et à la taille inversement proportionnelle à l'objet qu'il épouse. Types en costard Armando à la coupe aussi louche qu'impeccablement italienne marmonnant à voix basse d'inimaginables conciliabules ou chachant d'un air dégagé, le torse gonflé, les mains lancées dans des passes magiques emplies des reflets dorés de leurs doigts bagués. Deckard se gare.

Il sautillait plus qu'il ne marchait vraiment. Je lui emboîtai le pas sur la plage du Prado. Odeur de fast-bouffe perturbée parfois du musc raffiné d'un après-rasage de supermarché ou encore par de brefs effluves de kif enivrant. Beat déconstruit sortant d'un Tokoya conçu pour lâcher ses watts à l'endroit de son choix. Bribes d'arabe à l'accent marseillais, clameurs joyeuses d'italien, espagnol susurré par la voix chaude d'une andalouse et parfois, un peu de français.

Le mistral nous caresse de son souffle tiède et la lune dans le ciel. Les lueurs du château d'If trouent l'eau sombre de reflets expressionnistes évoquant la mémoire d'outre-tombe de Monte-Cristo. Un yacht immaculé à la promesse d'amusantes croisières offre à coup sûr une fête masquée pour riches oisifs en mal de mascarades. Sur la corniche Kennedy, les voitures carénées filent en d'impossibles courses laissant un mélange de vrombissements et de boum tchi boum tchi, effet Doppler de rigueur. Parfois, une moto fuselée se faufile élégamment, son passager à peau de cuir et casque profilé accouplé à la mécanique bien huilée en une étreinte passionnée.

Nous passâmes devant de petites gargotes en plus pur style pile poil de nos jours, brique impersonnelle noyée de décoration de pacotille de chaînes à l'américaine. Skateshop pulsant la mode US au rythme d'un set de hip-hop westcoast. Coffeshop, serveuses aux yeux cernés, vendant glace, donuts et café sur des terrasses enfiévrées. Bazar remplis de gadgets électroniques et de tubes de crème solaire pour bronzer en toute impunité. Kiosque aux journaux racoleurs pour lecteurs voyeurs. Fast-food climatisé, hamburger épais et Fuzz glacé. Deckard me jeta un coup d'œil.

Deckard : T'as faim ?

Ma collation de l'hôtel m'avait suffi cependant j'aurai bien avalé une petite friandise mais devant la perspective d'un dessert fast-bouffe, je ne pouvais m'empêcher de regretter les appétissantes pâtisseries orientales que j'avais boudées. Je fis un petit signe de tête, négatif. De plus j'étais assez impatient d'arriver à son bar pour pouvoir discuter un peu.

Deckard s'engouffra néanmoins dans un Barrière. Je le suivis, morose. Le probable cent millième point de vente de la chaîne avait achevé sa décoration asiatique et nous fîmes la queue en matant les quadrichromies de voraces geishas au sourire délicieusement artificiel. Des télés crachaient d'infects clips de groupes de dance made in fric. Mais le meilleur c'était les pubs qui saucissonnaient les clips. L'objet de culte de Barrière est actuellement sa future merde au poisson surgelé qu'il fera passer pour du sushi à coup d'arôme artificiel aux effets secondaires addictifs. Les pubs passaient toutes les deux minutes arrosant les cons-somateurs de sauce subliminale. Dix minutes de queue, trois quatre pubs dans les yeux. Je notais, pour demain, avoir envie de sushi.

Le pire c'est que le Sushi-B™ n'est pas encore sorti, Barrière crée l'envie mais ne la satisfait pas tout de suite, il fait mariner son client. Il a tout compris, il peut se mettre à vendre de la came. C'est déjà ce qu'il fait de toute façon. Nous sortîmes tandis que Deckard mordait dans le pain le plus bouffé au monde. J'attendais son inévitable remarque sur le Sushi-B™ mais il ne dit rien, c'est normal, tout le monde espérait la réplique.

Nous longeâmes la plage, Deckard me montra des lasers perçant l'indigo de la nuit vers de lointaines galaxies. Ils provenaient d'un bâtiment aux lumières tournoyantes enlisé dans le sable, les murs penchés comme si l'un des côtés avait légèrement basculé. Sur le toit, des grandes lettres de néons grésillent un nom : Les 1001 Nights. À son approche, la foule se fait plus dense, massée autour de cracheurs de feu au torse surdéveloppé et d'avaleurs de sabre aux membres effilés. Dans le sable, sont fichés de grands projecteurs lançant des feux dansant sur le palais aux murs mosaïqués. Le sable semble avoir avalé le rez-de-chaussée et c'est par le premier étage qu'il faut y pénétrer. Les motifs de la façade sont emplis d'arabesques entrelacées, comme un palais maure bâti par Antoni Gaudí. Quatre derviches tourneurs encadrent l'entrée penchée en d'hypnotiques tournoiements.

Des videurs schootés au blouson Schout nous scrutèrent de la tête au pied. C'est bon, on peut entrer. Depuis les tréfonds du mausolée retentit l'écho d'un beat assourdi.

La salle est gigantesque, ponctuée de grandes colonnes ouvragées soutenant une voûte étoilée. D'incroyables jeux de lumières teintent d'une infinité de coloris les colonnes de fumée s'échappant de braseros, calices enflammés. Des lasers dessinent de techniques mosaïques sur les grandes statues de djinns et de génies qui confèrent à l'architecture une aura de mystère. Là-haut des trapézistes planent sur les alizés, la peau parcourue de symboles au henné. À l'une des extrémités trône une fontaine sculptée de créatures færiques. L'eau jaillit en pluie alimentant une piscine où flottent les nénuphars.

Au centre, la scène circulaire effectue une perpétuelle rotation. Recouverte de tapis perses et de musiciens sertis en son écrin. Ils semblent communiquer leur transe au dancefloor tout entier, darboukas et tablas, violons et violoncelles, scratchs et synthés, oud et sitar, danseuse à peau de miel et chanteuse à voix de soie entraînés dans un ragga de raï pulsé par de la techno arabe. Le dancefloor est une peau transparente projetant les mouvements de fractales spatiales sur laquelle glissent les dancers aux balancements syncopés. Jeunes keums à la poitrine luisante entourés d'un seul pantalon bouffant, visage convulsé ou regard fixant l'infini. Formes féminines en saree tacheté ou à la jupette ajustée, corps extatiques parcourus par le beat.

Frôlements - Esquives - Parfum - Sueur

Deckard m'emmena vers un large couloir longitudinal,

Schéhérazade Street gravé en profonds sillons dansants sur le plafond aux larges dalles

Révélant une multitude de tentes dont les tissus sont emplis de symboles. C'est un souk entier dédié aux substances opiacées. D'inquiétants alchimistes au rictus sardonique proposent cachets, poudres colorées et petits bouts de shit. Maniant des balances lilliputiennes en métal ouvragé, ils acceptent même la carte bancaire. Derrière tout ce remue-ménage, le couloir s'élargit pour laisser la place à un autre marché. Astronomes à la robe constellée devisant sérieusement avec de jeunes cyberpunks connectés au net, astrolabe et casque virtuel permettant de créer la première science magique cybernétique. Un escalier en métal ciselé troue la salle pour s'élever jusqu'en haut d'un minaret renfermant un observatoire high-tech.

Deckard : Hey Pete ! J'ai pris du népalais. Viens, on va s'installer pour discutailler un coup.

Douglas Makoid : Oui, j'aimerais quelques éclaircissements.

Nous quittâmes Schéhérazade Street avant d'emprunter de longues passerelles se ramifiant vers un réseau d'alcôves en hauteur. Le dôme prenait à ce niveau la forme d'une fleur de lotus avant de repartir de manière sphérique. Nous nous installâmes dans de confortables fauteuils entourant une table basse aux petits plateaux de bois sculpté.

Deckard se saisit d'un plateau et commença à rouler. Le balayage des spots dessinait de grandes tâches mouvantes sur son visage. Stroboscopes, l'image se saccade, se tord, se dédouble en violents à-coups au grésillement électrique. Je bloquais un moment sur ces visions, entraîné dans la mélopée envoûtante que susurrait une choriste en hindi. Deckard me tendit une moitié de pétard.

Deckard : Tiens mec, v'la de quoi te réveiller.

Je le regardais transi et lui signifiais un non merci. J'étais vanné. Avant tout, il fallait discuter et s'échapper vite fait.

Douglas Makoid (voix assoupie) : Qu'est-ce que tu sais sur l'Organisation ? Leur domaine d'activité ? Et leurs capacités spéciales ?

La musique s'amplifia, c'était tout juste si j'arrivais à entendre ce qu'il disait.

Deckard : En fa… BOUM …sation BOUM …voirs para… BOUM …onc tu BOUM cacher BOUM.

Une serveuse arriva à la table, Deckard s'arrête de parler et la regarde. Une longue chevelure blond cuivré encadre un visage kabyle voilé d'un voile diaphane soulignant le galbe du nez et le dessin des lèvres. Ses yeux d'un bleu perçant habillés de khôl, ses hanches au nombril annelé ceinturées d'un pantalon taille basse au tissu flottant. Un petit caraco en tissu synthétique masque bien peu ses seins piercés de son étoffe aérée. Regard et sourire, elle dit s'appeler Saphir.

Deckard lui demanda un thé à la fleur d'oranger, il se sent un peu barbouillé. Aucune envie de mater la carte, je pris la même chose. Saphir nous quitta en froufroutant ne laissant qu'un parfum fruité et le souvenir de sa beauté.

Deckard : Bon, je sais où tu peux te planquer en attendant que la tempête passe, mais il faut attendre le feu vert du cap'tain Bauhaus. Il doit confirmer. ¿ Tu veux le cow-boy ?

Une ombre. Soudain pressentiment et bad feeling,

Deckard me traversant d'un regard rougi par le joint

Léger sifflement, le front de Deckard se perça d'un trou rouge à l'endroit exact du troisième œil.

Son corps s'effondrant au ralenti, la tête heurtant la table

Petite flaque de sang

Je me retournais brusquement, sentant un souffle d'air. Une forme fugitive se glissa près de moi.

Pression d'un canon sur le flanc

Deux types encadrent le cadavre de Deckard me fixant derrière des lunettes noires. Toujours les mêmes gueules carrées, ils m'ont déjà retrouvé. Jamais je ne m'étais fait piéger avec une telle efficacité.

Le Type à la droite de Deckard (voix sifflante) : Nous avons enfin réussssi à retrouver votre trace Monssieur Makouad.

Douglas Makoid : Makoid ! Ça se prononce à l'anglaise, (articulant distinctement chaque syllabe) Makoyed.

Je tenais beaucoup à ce qu'on prononce correctement mon nom, il est tellement photogénique.

Le Type à la gauche de Deckard (en gueulant et tapant du poing sur la table) : Ça ssuffit Monssieur Makouad !

La pression de l'arme se fit plus intense. Tiens ! Voilà Saphir qui revient. Elle portait un grand plateau en métal ouvragé qu'elle déposa sur la table, sans le moindre regard vers Deckard, et servit le thé comme si de rien n'était. Après avoir rempli quatre tasses de liquide fumant à l'aspect un peu trouble, elle reprit son magnifique plateau et s'en alla sans dire un mot.

Le Type à la droite de Deckard (avec un geste d'invitation) : Buvez, je vous en prie, c'est une boisssson excellente.

Comme pour me prouver la véracité de son affirmation, il but une généreuse lampée avec un air satisfait. Six verres fumés en train de me fixer, je pris la tasse et avalais une petite gorgée. Excellente, le mot était faible, tant la saveur et la richesse du bouquet explosait dans mon palais. Cependant, étant un peu contrarié, je ne l'appréciais guère à sa juste valeur.

Le Type à la droite de Deckard : Vous allez nous rendre la pierre immédiatement.

Douglas Makoid : Ce serait avec grand plaisir, mais voyez-vous, je ne l'ai pas sur moi. Par contre…

Le Type à la droite de Deckard : Arrêtez vos sstupides fanfaronnades, vous ne ssavez pas à qui vous avez à faire…

Douglas Makoid : À des types qui zozotent !

Je me pris une grosse baffe en pleine tête. Inconscience d'un instant. Aucun d'eux n'avait bougé.

Le Type à la droite de Deckard : Vous voyez, vous n'êtes pas le sseul à utilisser ces techniques ssavantes. Acceptez le fait d'avoir perdu la partie, resstituez-nous la pierre ssans tarder et vous aurez une mort rapide. Buvez votre thé.

Le liquide encore bouillant ne se laissait pas boire facilement. Ils avaient déjà fini leur tasse et se resservaient. La musique se fit plus lourde, le tempo charriait des flots de sons épais qui me donnaient la nausée. Une voix criarde entonna un chant dissonant tandis que les rythmes se déstructuraient. Le bâtiment tout entier sembla vaciller. Les colonnes de fumée s'emplirent de formes fantomatiques aux yeux noirs douloureux tandis qu'un de mes futurs exécuteurs léchait l'intérieur de la théière d'une langue bifide. Leurs visages se tordaient convulsivement formant des faciès grotesques et changeant. Je tombais dans le puits sans fond du néant.

Cut.

To be continued...

01 February 2007

 

Lady in the water 

M. Night Shyamalan vient de signer avec Lady in the water, son film le plus abouti. Son style épuré, sa narration lente, précise et douce, caractéristique de sa cinématographie, font des merveilles.

Dans ses films précédents (notamment Signs) cela devenait parfois lourd. Tout au contraire, Lady in the water, considéré par son auteur comme une bedtime story, adapté d'un conte qu'il a lui même écrit, se déroule avec une efficacité redoutable dès les premières secondes. Un lieu unique, une galerie de personnages ciselée avec une grande cohérence, une subtilité dans les émotions évoquées, des développements inattendus et des trouvailles formidables comme ce critique de cinéma qui joue avec les nerfs du spectateur et offre une mise en abîme tout à fait réjouissante.

Soit j'ai toujours beaucoup aimé ce cinéaste, il est donc imaginable que je ne soit pas très objectif, mais franchement, combien font ce que font Shyamalan? Et surtout combien réussissent?